Christian Bonnaud :

Le Takfirisme est un virus, une maladie de l’islam

11:00 - January 18, 2015
Code de l'info: 2719390
Interview-Le takfirisme est un grand problème qui a beaucoup de raisons. C’est un grand problème parce que ceux qui ont aidé à la formation de ces groupes terroristes, qui présentent un virus, une maladie de l’islam, prétendent actuellement vouloir lutter contre eux. C’est comme si on allume un feu et prétend ensuite vouloir l’éteindre.


Ce qui suit est la troisième et la dernière partie de l’interview accordée par M. Christian Bonnaud à l’Agence Internationale de Presse Coranique (IQNA). Il y aborde les problèmes des musulmans de France et le takfirisme.
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Quelles sont les institutions islamiques actives en France, et quelle sorte d’activité elles mènent ?
Un système différent des autres pays européens…
En France, les institutions islamiques sont carrément inexistantes, parce que le système est différent des systèmes anglais, allemand ou italien même. La France est quasiment le seul pays laïc en Europe dans la Constitution.
Des constitutions anglaise, allemande… ne sont pas des constitutions laïques, parce la reine d’Angleterre dirige l’église anglicane. En Allemagne, on paye un impôt pour le religieux, et on choisit à qui on le paye, à l’église catholique ou à l’église protestante, aux rabbins ou aux imams, mais on peut payer parce que ça existe et c’est reconnu, partout où la religion a une place reconnue dans la vie sociale des gens.
Par contre, la France fait une exception. C’est le pays où il est interdit de jurer par exemple sur la Bible à la tribune ou sur un autre livre quelconque, où le président ne prête pas serment. Ce n’est pas la règle normale des pays occidentaux, y compris l’Amérique et le Canada. Je pense que même en Australie c’est la même chose.
Et dans cet état de chose, les institutions islamiques peuvent mener leurs activités ?
En France les activités des centres religieux restent le plus souvent spécifiquement religieuses. On y  trouvera des mosquées, comme on a des églises. Tandis que les religions qui sont anciennement présentes en France peuvent avoir, sans le prononcer ouvertement, une activité culturelle et politique, sous des noms divers, parce qu’ils sont nombreux et organisés depuis longtemps.
On peut trouver des centres culturels, intellectuels, des universités, qui dépendent de l’église catholique, qui sont privés ; par exemple il y a d’excellentes universités catholiques en France, à Lyon, à Lille, à Paris. On peut trouver des centres d’étude et de recherches juives en grand nombre, par rapport à la quantité de personne, parce que seul 1% des Français sont de confession juive, alors que beaucoup plus que 10% de centres d’études privées sont juifs, à commencer par des centres de pression politique qui ont une influence et de réflexion politique.
L’absence d’institutions islamiques véritables…
Par contre les musulmans ne sont pas d’une part, implantés depuis longtemps et viennent des pays et des régions complètement différentes et sont privés des organisations religieuses uniques et unifiantes, semblables à l’église, alors tous ces gens qui ont des cultures et des manières de voir différentes, ils ont beaucoup de mal à s’organiser de manière intelligente et efficace. Donc on a au maximum quelque lycées et collèges, deux ou trois, et il n’y a pas véritablement d’universités au sens véritable du terme.  Et quand il y a des centres qui s’appellent ou qui osent se présenter comme universités, ils dépendent  de l’Organisation des Frères Musulmans. Donc, ce sont malheureusement des recherches d’une approche plus ou moins sectaire.
Cette laïcité dont vous parlez, comment elle empêche les musulmans de pratiquer leur religion ?
La question de la  vision laïque en France n’est pas connue véritablement. Elle est connue par l’intermédiaire de la transformation ataturquienne et pahlavienne de cette vision. On connaît la laïcité turque d’Ata Turc et la laïcité des Pahlavi qui était une laïcité de combat contre la religion. La laïcité telle qu’elle existe dans la Constitution française n’est pas une laïcité de combat, même si certaines personnes, veulent en faire un faux courant  contraire au laïcisme, une laïcité de combat contre la religion.
Si on reprend une expression de Napoléon, parce qu’il y avait à ce moment-là ce qu’on appelle l’émancipation des juifs, c'est-à-dire les juifs étaient considérés comme citoyens, alors qu’avant, puisqu’il y avait la royauté, les gens qui avaient la religion du roi, c'est-à-dire qui étaient chrétiens, avaient la religion du roi et les autres étaient les invités du roi. Ils dépendaient donc de leur rabbin. La révolution française change et dit : il n’y a plus de roi, et il n’y a plus de sujets. Il n’y a que des citoyens, sans que leur religion soit importante. Alors les juifs du temps de Napoléon et les autorités juives n’avaient aucun droit comme communauté mais comme des citoyens, ils jouissaient de tous les droits. Donc il n’y a pas de minorité ni de majorité religieuse, en France. Il n’y a pas de statistique. Il est même interdit de faire des statistiques sur la religion en France. On ne peut pas demander à quelqu’un, dans un statistique, quelle est votre religion, parce qu’en fait, il n’y a pas de droit communautaire. En tant qu’individu, vous avez tous les droits de tous les citoyens, ni plus ni moins, quelle que soit votre religion, en tant que communauté, vous n’avez aucun droit.
Les communautés religieuses ne bénéficient d’aucun droit…
Vous n’existez pas en tant que communauté, pour la république.  Vous pouvez exister, vous pouvez avoir des activités, faire une société de bienfaisance, une université etc. mais si c’est dans le cadre de la loi. Mais pour l’Etat, vous n’avez aucun droit spécifique, vous ne pouvez représenter en réalité personne, parce que ce sont les citoyens qui sont directement représentés par eux-mêmes, ils sont représentés par leurs représentants via les élections dans l’Etat, indépendamment de leur religion.
Au niveau des droits de citoyenneté, tous les gens de nationalité française ou qui sont résidants—les  nationaux et les résidents n’ont pas les mêmes droits, parce que les étrangers résidant n’ont pas le droit de vote—ont tous les droits des nationaux, même s’ils sont d’origine arabe, d’origine turque, d’origine indienne, d’origine africaine, selon la loi, ils ont tous les mêmes droits que tous les autres citoyens quelle que soient leur religion ou leur idéologie.
Alors comment des lois sont approuvées contre par exemple le voile et l’abattage des animaux ?
Quand on veut faire passer une loi, et que cette loi concerne directement les musulmans, on le fait d’une manière qu’elle concerne tout le monde, pour dire que cette loi que nous avons faite concerne tout le monde. Par exemple personne n’a le droit de porter un signe religieux voyant à l’école ; on assimile ainsi le voile à un signe religieux voyant. On ne peut pas faire une loi contre le hijab par exemple, parce qu’à ce moment-là un certain citoyen jouira d’un droit spécifique.
Des lois qui visent les musulmans…
Donc on fait une loi générale. C’est un point important : il y a effectivement certaines personnes, certains partis politiques, qui ont de l’hostilité envers les musulmans en France, ils ont fait voter des lois, qui les visent, mais elles doivent être masquées par quelque chose qui concerne tout le monde. Il n’y a pas une différenciation des musulmans dans la loi française. Il y a des personnes et des partis antimusulmans qui doivent faire d’une certaine manière  que cela ne paraisse pas ainsi, s’ils veulent passer une loi, sinon la loi ne sera jamais votée. Et ce n’est pas possible, elle serait contre la Constitution. Elle sera rejetée comme anticonstitutionnelle.
Si on propose une loi pour interdire le sacrifice des animaux selon la règle musulmane et juive, ça ne passera pas. Par contre on dit qu’en raison des souffrances subies par les animaux, il est interdit de tuer les animaux en coupant la tête. Alors on ne mentionne pas la religion de qui que ce soit, parce que les paysans aussi en France égorgent leurs animaux, leurs cochons. A ce moment-là, on peut passer la loi. Mais si je sais que cette loi vise essentiellement les juifs et les musulmans, parce qu’ils sont actuellement les seuls à pratiquer la méthode, au lieu du choc électrique ou de la perforation de la tête, comme dans les abattoirs modernes, alors automatiquement je suis obligé de le simuler sous une règle générale. Il ne faut pas passer une loi qui concerne une partie des citoyens et pas une autre.
Le monde entier et le Moyen Orient vivent une situation dramatique : les groupes extrémistes massacrent les gens au nom de Dieu et de l’islam. Quelle est la responsabilité des médias, des personnalités politiques et des intellectuels dans cette situation ?
C’est un grand problème qui a beaucoup de raisons. C’est un grand problème parce que ceux qui ont aidé à la formation de ces groupes terroristes, qui présentent un virus, une maladie de l’islam, prétendent actuellement vouloir lutter contre eux. C’est comme si on allume un feu et prétend ensuite vouloir l’éteindre. L’Arabie Saoudite était le pays qui a fondé les Taliban. En quelque sorte, on peut avoir l’idée que ceux qui prétendent vouloir éteindre le feu, sont ceux qui veulent de nouveau occuper et dominer la région.
Origines du mouvement takfiriste…
Ce virus avait été neutralisé dès le début de l’histoire de l’islam—il avait existé au début de l’islam, parmi ceux qui s’appelaient les khawarij, les kharijites. Certains parmi  ces kharijites, je ne parle pas de tous, parce qu’il y a aujourd’hui des sectes ordinaires des kharijites à Oman, à Jirba en Tunisie. Certains groupes des kharijites croyaient qu’il fallait tuer les non musulmans et les musulmans qui ne pensaient pas comme eux. Cette porte a été très vite fermée et l’idée a été neutralisée et il a été admis parmi tous les musulmans, quelques soient leurs écoles, qu’il n’y a pas de takfir, c'est-à-dire d’anathémisation et d’exclusion de l’islam parmi ceux qui se tournent vers la qibla.
Donc ceux qui se tournaient vers la qibla étaient musulmans. Et ceux qui ne sont pas musulmans, c’est un choix d’avant, ils sont nés ainsi, il n’y a pas de problème, donc, on n’a pas le droit de tuer qui que ce soit en dehors de ce qui s’appelle des règles.
Des gens qui ont commis un meurtre, c’est une exception. La règle de base c’est qu’il est interdit de tuer une personne, quelle qu’elle soit, quelle que soit sa religion. A l’intérieur même de l’islam, personne ne peut exclure un autre de l’islam et dire puisque tu es exclu de l’islam je peux te tuer. A la limite que quelqu’un dit je n’accepte pas vos idées, cela ne cause pas de problème, mais dès que l’on dit je ne vous accepte pas donc j’ai le droit de vous tuer comme je veux, le problème se pose. Cette porte a été fermée dès le premier siècle de l’histoire de l’islam.
On a voulu ouvrir cette porte au 13e siècle de l’ère chrétienne.  Un Ibn Taymiyya. a commencé à ouvrir cette porte, mais tout de suite, parmi les groupes musulmans, qu’ils soient sunnites ou chiites, on a considéré qu’il était une innovation, une bid’a, que sa doctrine ne tenait pas la route et qu’on n’allait pas accepter cette innovation. Donc la porte est restée fermée. Certains l’ont suivi mais cela n’a pas donné à un mouvement pour pouvoir attaquer les autres. 
Le takfirisme au 20e siècle …
Tout a changé avec l’apparition du wahhabisme vers la fin du 19e et au début du 20e siècle. De par l’alliance de certaines personnes qui pensaient comme Ibn Taymiyya et une famille et une tribu qui était un groupe de pillards et de gangsters, la famille Saoud arrive au pouvoir et forme un Etat. La première fois qu’elle avait tenue c’était à l’époque ottomane et Mohammad Ali Pacha d’Egypte les avait balayés, parce qu’ils attaquaient les pèlerins. Les pèlerins qui n’acceptaient pas leur doctrine, ils les pillaient, parce que les Ottomans avaient plus de pouvoir en Arabie. Ils étaient forts en Arabie et dominaient les lieux saints à la Mecque et à Médine. Mohammad Ali Pacha, sultan d’Egypte à l’époque des Othomans les a balayés.
Malheureusement après la chute de l’empire ottoman, dans la période coloniale, après le partage du Moyen Orient, ils reprennent le pouvoir. Ce sont les gens qui ont les mêmes idées. L’Arabie Saoudite s’appelle ainsi parce que c’est la famille Saoud qui a pris le pouvoir au 20e siècle. Ils ont conclu un accord avec le président américain, un accord célèbre où ils disent « notre pétrole est pour vous et votre défense est pour nous. Donc le pétrole contre notre protection. »
Cette vision du monde qui pendant 14 siècles, n’avait trouvé le moyen de s’exprimer et de prendre pied dans le monde de l’islam, elle devient sanctuarisé en Arabie. A partir de là, le virus va se répandre. Et la première grande mutation du virus provient de l’Afghanistan. Pendant l’invasion soviétique, la résistance légitime des Afghans contre les Soviétiques va répandre le virus, avec  l’argent et la doctrine saoudienne, et les armes et la formation  militaire et les services de renseignement américains et les services de renseignement d’autres pays comme le Pakistan. Et les musulmans du monde entier vont revenir sur le nom de la lutte contre l’invasion soviétique, cause légitime, qui va être contaminée par le virus saoudien, avec une mutation djihadiste.
La deuxième grande mutation, ce sera lorsque les Américains, en 2003, vont envahir l’Irak. A ce moment-là, la mutation takfiriste  s’ajoute au mouvement djihadiste, sur la voie wahhabiste. Maintenant le premier ennemi , le djihad contre les envahisseurs soviétiques ou les envahisseurs américains ou les envahisseurs sionistes donne sa place à la lutte contre son voisin, qui est peut-etre musulman, qui habite ici, qui n’est pas envahisseur, mais qui n’a pas la même religion, ou qui n’a pas la même compréhension de la religion que lui, mais qui était jusqu’à présent son voisin.
La thèse de Zarqawi…
Ça commence spécifiquement avec Zarqawi, puisqu’il a écrit, en 2005, et à ce moment-là, il était prévisible qu’on allait avoir quelque chose comme Daesh. Il a écrit : « Malheureusement les sunnites ne sont pas assez réveillés pour se lancer dans un djihad contre l’impérialisme ou le sionisme international. Ils dorment. Pour les réveiller la meilleure chose c’est de s’attaquer d’abord aux chiites. On va tellement massacrer les chiites qu’ils seront obligés de se défendre contre nous.  A ce moment-là, ils vont s’attaquer à nous et à ceux qui sont considérés comme sunnites, et ça va réveiller tous les clans sunnites.
Voilà une thèse : il faut qu’il y ait une guerre de religion interne pour arriver à réveiller le monde musulman. Ce qui rappelle tout à fait ce qu’avait fait le mouvement communiste d’extrême gauche en Europe, il y a à peu près cinquante ans, dans les années 70.
Les mouvements d’extrême gauche en Italie, en Allemagne, avaient pour thèse que les gens ne sont prêts à lutter contre le capitalisme. Ils dorment. Ils sont endormis par la télévision, le commerce, la société. Pour les réveiller, il faut déclencher une véritable guerre, il faut commencer à faire des attentats, pour forcer le régime dominant, les Etats, à voter des lois répressives, à faire des contrôles de plus en plus sévères, à dévoiler leur artillerie, de sorte que  ça va réveiller les gens pour faire la révolution communiste.
C’est un peu une transposition, une mutation du virus wahhabite, djihdiste, et plus tard takfiriste, avec en même temps l’idée qu’il faut déclencher la guerre pour réveiller les musulmans pour qu’ils luttent contre l’impérialisme, ce qui n’a aucun sens.
En réalité, on va déclencher une guerre de religion, et il n’y a pas de pire guerre qu’une guerre de religion. La France a éprouvé la guerre de religion pendant une période de 50 à 100 ans, à peu près 4 générations. Si l’idée de laïcité est si forte, c’est parce que justement la France a connu la guerre de religion entre catholiques et protestants plus que les autres pays.
Les pays du Nord de l’Europe étaient devenus majoritairement protestants, alors que les pays du Sud restaient majoritairement catholiques, sans parler des orthodoxes qui sont restés à l’Est. C’est en France que le choque protestants et catholiques s’est fait. Il y a eu un demi-siècle et près d’un siècle de guerre.
Différence entre une guerre des religions et les autres guerres…
La différence entre une guerre de religion et toutes les autres guerres, c’est qu’une fois qu’on a pris ce que l’on veut, qu’on a pris le pays, on laisse les autres, on a pris le pétrole, c’est fini. On n’a rien contre les autres. On veut l’argent, le pétrole. Mais dans une guerre de religion, on dit « je suis le représentant de Dieu et toi, tu es le fils du diable. Donc je ne peux pas te laisser vivre et faire la paix avec toi, parce que faire la paix avec toi, ça serait faire la paix avec le diable. Donc je dois t’exterminer. C’est ainsi qu’à la fin de la guerre de religion, quand la guerre avait pris une dimension importante, les intellectuels sont réunis et dit que les honneurs étaient tels qu’elles n’étaient pas vécues à l’époque des Mongols, de l’Atila et au cours de toute l’histoire, et il faut faire quelque chose, sinon  tout va disparaître.
L’idée était d’abord la monarchie absolue, c'est-à-dire l’indépendance de l’église et des autres religions, puis, vient l’idée de la laïcité, parce qu’on a vu que la monarchie absolue ne suffisait pas. Parce que la monarchie absolue pouvait un jour faire un business avec l’une des religions pour le pouvoir. Donc l’idée de laïcité évolue. Mais on voit que dans les années qui viennent et Dieu nous en préserve s’il y a une guerre fratricide entre les musulmans au Moyen Orient, il n’y aura pas d’autre solution que la laïcité. Si à partir d’un moment où les gens d’une même religion, ou de deux religions ou les gens de deux lectures d’une même religion s’entretuent et quand les gens de l’une vont complètement éliminer les gens d’un autre, pour que les gens vivent en paix, il n’y a d’autre solution que de dire : vous ne parlez plus de religion.
Quelle est la responsabilité des médias, des religieux, dans le rapprochement des idées ?
La responsabilité de chacun, à son niveau, c’est d’abord comprendre ce qui est en train de se passer et de faire comprendre à d’autres. D’abord il faut comprendre le problème. Il faut comprendre qu’il n’y a pas un réel problème entre sunnites et chiites, comprendre qu’il n’y a pas un réel problème entre musulmans et chrétiens. Il y a des divergences d’opinion, des divergences d’idées, des divergences de pratique. Il n’y a pas de raison de s’entretuer. Si n’importe qui envahit quelqu’un d’autre, il a des raisons de se défendre. Si un pays envahit un pays musulman, un pays chrétien, un pays sunnite, ce pays a le droit de se défendre. Il n’y a pas de principe de nous entretuer dans les religions qui existent actuellement. Les religions ne reconnaissent pas ça. Toutes les religions que nous connaissons ne le reconnaissent pas. 
C’est un virus, une maladie qui va attaquer notre religion comme il va attaquer d’autres religions. Il faut se défendre contre quoi ? contre une religion ? un groupe dans un religion ? ou contre un virus ? Là, il faut bien comprendre ce qu’on va faire. Quand il y a un virus, il faut faire plusieurs choses en même temps. D’une part il faut chercher les moyens de l’éliminer au niveau des idées. Quand il s’agit d’un virus, il faut savoir comment le soigner. C’est la responsabilité des intellectuels.
Les moyens de lutter contre le takfirisme…
Un autre moyen c’est de prévenir, de dire attention, c’est un virus, ne vous approchez pas de ce virus. Protégez-vous contre par tel moyen. Troisième moyen, il faut empêcher les foyers de développement et d’expansion de ce virus, quand il y a des virus qui se transmettent par des moustiques ; les moustiques vivent dans des marécages où il existe de l’eau, etc.
Depuis toujours dans l’histoire des civilisations, il y avait l’eau pour s’installer, dans les villes anciennes, en Mésopotamie par exemple; donc, là où il y avait de l’eau, à côté, il y avait des marécages, donc il y avait des maladies et des moustiques, il faut se soigner, c’est une chose, il faut se protéger, c’est la deuxième chose, mais avant tout il faut faire en sorte qu’il n’y ait pas de moustique. Comment on peut éliminer les moustiques ? Il faut éliminer les endroits où ils vivent. C’est-à-dire éliminer les marécages ; donc on asséchait les marécages. Toute l’histoire des civilisations, on a voulu éliminer les moustiques et on a asséché les marécages.
Quels sont les marécages qui alimentent, qui font venir ces gens dans ce genre de mouvement extrémiste, djihadiste, activiste ? Essentiellement ce sont des gens qui viennent des bidonvilles, des gens laissés pour compte, des gens marginaux. Je parle de ce qui se passe actuellement. Cela ne veut pas dire qu’on n’avait pas des médecins comme Zawahiri qui sont venus des masses, et il y a des gens qui les rejoignent. Quand on dit qu’il y a mille français et en fait le double de Français, c'est-à-dire des musulmans de France, des Français d’origine ou des musulmans de France qui sont repartis rejoindre Daesh, ou de Belgique etc. qui sont partis rejoindre l’un ou l’autre de ces mouvements, Al Nusra, Daesh etc. parce que c’est le même virus avec des petites séparations. Ces gens-là ne sont pas des gens qui viennent des mosquées. Ces gens-là sont des gens qui viennent des banlieues ; des sous-prolétariats, des gens qui n’ont pas de culture, qui se sentent exploités, opprimés, des gens qui n’ont pas leur place là où ils vivent. 
Départ du libérateur… !
Et tout d’un coup, on leur dit, non, vous êtes des libérateurs, ils sont des imposteurs, il faut qu’on s’en débarrasse, à ce moment-là, c’est vous qui serez les vrais seigneurs de la terre. Donc, lutter contre les injustices, partout où elles se passent, en particulier, dans les pays musulmans, comme le Maroc, on a des gens qui vivent dans les bidonvilles, et à côté il y a des villas extraordinaires, les gens qui vivent dans ces bidonvilles sont tout à fait prêts à recevoir ce virus. Ça fait partie des marais où le virus se répand. C’est de là qu’ils viennent. On a arrêté en France des gens qui avaient des choses qu’on appelle les A, B, C, D de l’islam, en français. Ils ne savaient rien de l’islam, cependant ils étaient en train de prendre l’avion pour rejoindre la grande révolution du califat islamique. Ce ne sont pas des gens avec une doctrine très précise.
On profite de l’ignorance des pauvres, des opprimés, pour les attirer dans une fausse vision. Donc il faut comprendre que c’est ça la vérité, que ce n’est pas une guerre de religion.
Ceux qui parlent du conflit entre chiites et sunnites, ils travaillent contre nous et contre l’humanité entière, contre les musulmans et à fortiori contre toutes les autres religions aussi, parce que c’est tuer tout le monde.
Il faut donc comprendre ce qui se passe, que ce n’est pas une guerre de religion, qu’il n’y a pas une opposition réelle entre le chiisme et le sunnisme, mais que tout cela est un virus qui était disparu pendant 1400 ans et qui est réapparu dans une région, en Arabie, avec Abdul Wahab qui n’était pas un savant mais un ignorant qui profitait à la fois des sabres et des armes de la famille Saoud, puis l’aide des impérialistes, des Américains, des Anglais et d’autres, qui ont pu avoir une mutation grâce à la question afghane, parce que tout d’un coup, les gens du monde entier sont venus là, des gens qui étaient venus de bon cœur, ils étaient venus aider les Afghans contre les envahisseurs. Donc c’était une juste cause, parce que les gens qui venaient de là disaient que c’est ça qu’on nous enseignait là-bas.
Développement du Virus
Le virus est revenu en Algérie, en Bosnie, au Nigeria, en Tchétchénie… et c’est ainsi qu’il se répand. Deuxième étape, c’est en Irak : la révolte contre les Américains, ce sont des gens qui suivent les idées de Zarqawi, la branche d’Al Qaeda, en Mésopotamie en Irak. En quelque sorte, c’est la deuxième mutation, et maintenant on prétend faire une grande union internationale dirigée par les Etats-Unis pour éliminer le terrorisme, c’est exactement le pompier qui veut éteindre le feu qu’il a allumé lui-même !
Un budget de 500 milliards de dollars
La meilleure preuve, c’est le budget qu’ils ont voté : 500 milliards de dollars. Par ailleurs ils disent que Daesh est composé de 30 à 50 mille personnes. 500 milliards de dollars pour 30 à 50 mille personnes, cela fait à peu près 30 millions de dollars pour chaque personne. Si on payait aux membres de Daesh ces 30 millions de dollars et on leur donnait du travail chez eux, ils rentreraient même pour la moitié de cette somme. Donc ce n’est pas la peine de dépenser 500 milliards de dollars, c’est un mensonge, c’est clair.
Le rôle des médias…
Il faut le comprendre et le faire comprendre. Le vrai rôle d’un média c’est de faire comprendre aux autres, ce que moi-même j’ai compris. Il y a des compléments, mais la base c’est cela. Tout le monde n’est pas là pour voir, entendre et comprendre, alors chacun qui a compris une chose, il doit la transmettre aux autres pour que les autres la comprennent.
La principale chose, c’est que ceux qui ont compris doivent faire comprendre aux autres, c’est une manière de rapprocher, de résoudre le problème. Pendant 1400 ans, il n’y a jamais eu le takfir entre les musulmans. Il y a toujours eu  des divergences d’idée, mais partout, dans toutes les religions, chez tous les peuples, dans toutes les doctrines. Le problème n’est pas l’existence des divergences, le problème commence là où je me donne le droit de tuer parce que les autres ne pensent pas comme moi. Si je considère que ces gens sont des gens qui iront à l’enfer après la mort, c’est mon idée, ça ne pose pas de problème, mais dès que je me donne le droit de tuer ou de doctriner, de réduire à l’esclavage, seulement parce qu’ils ne pensent pas comme je pense, la vie ne sera plus possible.

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