«Des groupuscules veulent créer un climat de peur chez les musulmans», estime Kamel Kabtane, recteur de la Grande Mosquée de Lyon et président du Conseil des mosquées du Rhône (CMR).
Le premier feu a eu lieu le 7 août à 3 heures dans un local annexe à la salle de prières à Bron, dans la banlieue lyonnaise, tenue par le mouvement très orthodoxe des Tablighs. Il a endommagé les locaux mais sans faire de victimes. Selon un communiqué du parquet de Lyon, l’hypothèse d’un incendie criminel a été retenue car deux départs de feu distincts ont été constatés sur place. Cela a entraîné l’ouverture d’une enquête pour «dégradations volontaires par incendie», confiée à la sûreté de Lyon.
Situation préoccupante
A peine une semaine plus tard, une petite salle de prières à proximité de la gare de Perrache de Lyon est, à son tour, endommagée par le feu, entraînant des dégâts sur la porte d’entrée. «Ce petit lieu de culte est situé au pied d’un immeuble d’habitation», précise Kamel Kabtane. Là aussi, une enquête a été ouverte par le parquet.
Pour les responsables musulmans locaux, il pourrait s’agir d’une action concertée. «Nous avons regretté qu’il n’y ait pas eu davantage de mobilisation après le premier incendie à Bron», dit Kamel Kabtane. Selon lui, la situation devient préoccupante dans l’agglomération lyonnaise. De son côté, Azzedine Gaci, porte-parole d’une association d’imans dans la région, déplore un climat raciste qui s’est installé ces dernières années dans la métropole lyonnaise. Avant les deux incendies, le restaurant tenu par un musulman avait été saccagé, à la mi-juillet, dans le IXe arrondissement de Lyon.
A l’appel du Conseil des mosquées du Rhône, une manifestation a eu lieu vendredi avec l’appui des autres cultes, réunissant plus de 200 personnes. Les autorités locales et nationales ont condamné ces actions. Dans un tweet, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a rappelé que la «liberté de culte est une valeur fondamentale dans notre pays».
«La situation est prise au sérieux»
A la suite des attentats de 2015, le gouvernement avait mis en place un plan pour la sécurisation des lieux de culte chrétiens, juifs et musulmans. Selon les chiffres du Conseil français du culte musulman (CFCM), 154 mosquées et salles de prières ont bénéficié du dispositif. Il prévoyait la prise en charge de l’installation de caméras de surveillance, la pose de portes blindées etc. L’Etat assurait 80 % du financement, le reste demeurant à la charge de l’association gestionnaire du lieu de culte qui devait en faire la demande. «Cela a concerné essentiellement les mosquées et les salles de prière les plus importantes», estime Abdallah Zekri, le président de l’Observatoire national de lutte contre l’islamophobie. Comme le montrent les incendies récents de Lyon, ce sont les lieux de culte de taille modeste qui demeurent les plus vulnérables. Peu d’ailleurs ont demandé à bénéficier du dispositif de L’Etat.
Jeudi a eu lieu une réunion à la préfecture du Rhône, entre les services de police et des responsables musulmans afin d’améliorer la sécurité des lieux de culte musulmans. «La situation est prise au sérieux», affirme-t-on à la préfecture. La crainte d’une montée des tensions est en train de surgir. Parmi les responsables musulmans, beaucoup redoutent de voir s’installer un climat délétère à l’approche de l’élection présidentielle de 2022.
Pour le moment, aucun chiffre officiel n’est disponible sur les actes antimusulmans commis en 2020. L’an dernier, le ministère de l’Intérieur en avait recensé 154, une augmentation de plus de 50 % par rapport à 2018. Selon les responsables musulmans, ce chiffre est largement sous-estimé. «Vu les lenteurs de la justice, beaucoup de personnes qui reçoivent des menaces renoncent à porter plainte», souligne Abdallah Zekri. Ce dernier souligne que le CFCM sollicitera, à la rentrée, un rendez-vous avec le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.