Conséquences de la montée au pouvoir des talibans en Afghanistan

9:30 - August 29, 2021
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Téhéran(IQNA)-Ismail Bagheri, expert sur l'Afghanistan et assistant de recherche auprès du conseiller culturel iranien en Afghanistan, estime que bien que les talibans aient pu prendre le contrôle de l'Afghanistan (sauf dans la province du Panjshir) en 11 jours, ils ont besoin d'une légitimité pour gouverner le pays.

Dans un entretien avec l’Agence iranienne de presse coranique (Iqna), il a déclaré : « Les talibans sont un groupe islamiste qui entend faire revivre « l'Émirat islamique ». Bien sûr, les talibans ont régné sur 90 % de l'Afghanistan pendant 5 ans après avoir pris Kaboul en 1996, mais les événements du 11 septembre ont été un prétexte pour que les États-Unis envahissent l'Afghanistan et le renversent, quand les talibans ont refusé de leur remettre Oussama ben Laden.

Les talibans ont lancé des attaques contre les Américains et les forces étrangères à la mi-2004, infligeant le plus de pertes aux forces étrangères en 2010 et 2011. Les talibans sont constitués de plusieurs groupes et n'ont pas dévié de leurs positions et de leurs lignes rouges ces dernières années, et appellent au retrait de toutes les troupes étrangères d'Afghanistan. Il y a deux points de vue principaux sur les talibans et l'accord de Doha.

Certains pensent que les États-Unis ont été contraints de négocier avec les talibans et que le retrait américain d'Afghanistan était dû à une défaite. Mais le deuxième point de vue est que les États-Unis ont décidé de retirer leurs forces d'Afghanistan et d'utiliser des acteurs par procuration pour faire avancer leurs objectifs dans la région, pour réduire les dépenses militaires et les pertes, et imposer les dépenses à leurs rivaux. Donald Trump avait d’ailleurs demandé pourquoi les usa devraient payer pour la lutte contre le terrorisme et en faire bénéficier des rivaux comme la Russie et la Chine.

Certes, certains acteurs voient le retrait américain comme une opportunité et d'autres comme une menace, et il en va de même pour les talibans. Sans aucun doute, le retrait des États-Unis et la défaite de leur hégémonie sont une grande réussite, mais la montée au pouvoir des talibans et le totalitarisme comportent de nombreuses ambiguïtés.

On ne sait pas encore si les talibans ont la capacité d'exercer une gouvernance moderne avec la participation de tous les groupes ethniques, et le modèle de gouvernement envisagé par les talibans et ses dimensions n'ont pas été clairement définis. Si les talibans peuvent établir la sécurité et la paix dans le pays, en premier lieu, et comme ils le prétendent, créer un gouvernement « inclusif » avec toutes les ethnies et religions, ils seront en mesure de fonder un gouvernement dans une certaine mesure.

Dans l’étape suivante, le traitement par les talibans de la société civile afghane, les universitaires, les élites universitaires, les médias, les femmes…. jouera un rôle décisif dans l'approbation publique. Acquérir une légitimité internationale sera l'un des prochains défis des talibans. De plus, la gestion économique et les relations avec les voisins et les acteurs transrégionaux, seront les principaux défis pour les talibans, en Afghanistan.

L’Iran, contrairement à la Russie et à la Chine, estime que la formation d'un gouvernement inclusif avec la présence de tous les groupes politiques, ethniques et religieux, est la seule solution et qu'il n'y a pas de solution militaire à la crise en Afghanistan. Pour résoudre la crise interne, un consensus politique doit être formé entre les leaders ethniques et religieux, ainsi qu’une compréhension théorique et pratique du type de système politique et de la manière dont le pays sera gouverné. Sans aucun doute, l'absence de consensus politique conduira à la fragilité de la situation sécuritaire et à l'aggravation des divisions sociales et des crises économiques.

Certains voient les talibans comme un groupe indépendant, cohérent et puissant mais l'histoire des talibans montre clairement que les services de renseignement pakistanais et saoudiens, l'aide financière des pays arabes et la politique des États-Unis et de la Grande-Bretagne ont joué un rôle majeur dans l'émergence des talibans. L'objectif des États-Unis était de réduire les dépenses militaires et de se retirer en toute sécurité d'Afghanistan. Les Américains ne voulaient pas entrer dans la troisième décennie de la guerre en Afghanistan et subir des pertes supplémentaires.

Comme Joe Biden l'a récemment déclaré, pourquoi nous battons-nous lorsque les forces de sécurité afghanes ne combattent pas les talibans ? Dans cet esprit, l'objectif des États-Unis, dans l'accord de Doha, était de quitter l'Afghanistan en toute sécurité. Les talibans souhaitent la formation d'un système islamique et s'opposent donc à la poursuite de l'occupation de l'Afghanistan par des forces étrangères, et jusqu'à présent ont agi, dans une certaine mesure, de manière modérée et raisonnable.

Mais quel sera le comportement des talibans dans l'avenir, après la formation du gouvernement, quel sera le comportement des talibans envers les chiites et les Iraniens ? Quel sera le type de relations avec l'Iran, le Pakistan, les USA, la Turquie ? Les pays européens, dans un effort concerté, ont déclaré leur opposition aux talibans, et ont annoncé qu’ils ne reconnaîtront pas les talibans tant qu'un gouvernement légitime ne sera pas formé avec la participation du peuple.

La Russie et la Chine ont déclaré qu'elles reconnaîtraient le régime des talibans car la Chine et la Russie sont profondément préoccupées par la propagation de l'EI en Afghanistan et pensent que le seul groupe qui puisse résister à l'EI et empêcher sa propagation, est le groupe des talibans. L'Iran s'oppose fermement à la propagation de l'insécurité et à la guerre civile en Afghanistan. Toute insécurité en Afghanistan, aurait de nombreuses conséquences politiques, sécuritaires, culturelles et économiques pour l'Iran.

L'Iran, voyant les développements à l'intérieur de l'Afghanistan et l'accord de tous les courants avec le processus de paix, n'a eu d'autre choix que de coopérer et a essayé de mettre en place de véritables pourparlers inter-afghans à Téhéran. Mais les États-Unis ont donné leur feu vert aux talibans pour s'emparer des territoires, en leur accordant diverses concessions, dont la libération de 7000 prisonniers talibans, obligeant l'Iran à ne manifester pratiquement aucune opposition.

En fait, le but des Américains était de provoquer une guerre civile mais l'Iran a essayé de ne pas tomber dans le piège des Américains, et dans le même temps, de persuader les talibans d'établir un gouvernement relativement inclusif et sûr en Afghanistan, avec la participation des différents groupes ethniques et politiques. Il est difficile de donner un avis définitif sur le cours des développements en Afghanistan car il y a en Afghanistan, des acteurs nombreux et parfois contradictoires, chacun prenant position et agissant en fonction de ses propres intérêts.

Les Américains, la Grande-Bretagne et même des acteurs de second ordre comme l'Arabie saoudite et la Turquie, pour compenser leurs défaites en Irak et en Syrie, sont favorables à l'insécurité et à une transformation de l'Afghanistan en foyer de terrorisme. Si les talibans ne parviennent pas à former un consensus politique au sein du pays, et n'utilisent pas tous les groupes ethniques, religieux et politiques, pour former un gouvernement, ils ne pourront pas acquérir de légitimité interne. Sans aucun doute, cela sapera également leur légitimité régionale et internationale.

À mon avis, il devrait y avoir des discussions et des rencontres dans les forums scientifiques, pour examiner les forces et les faiblesses des analyses de la situation afghane, adopter la bonne approche et parvenir à une cohérence politique. Dans une telle situation, il est possible de réunir les pays alliés et d’autres pays, pour que les États-Unis, blessés par l'Iran, n'atteignent pas leurs objectifs sinistres et ne puissent pas réaliser leurs mauvaises intentions ».

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