Charles de Foucauld, une source d'inspiration pour le dialogue interreligieux

8:58 - October 01, 2022
Code de l'info: 3482202
Téhéran(IQNA)-L’année 2022 aura été marquée par la canonisation de Charles de Foucauld. C’est pourquoi la Fraternité séculière Charles de Foucauld a organisé trois jours de colloque, du 23 au 25 septembre, pour approfondir les facettes de Frère Charles qui peuvent inspirer le dialogue interreligieux aujourd’hui : être des artisans de paix, des témoins de fraternité, des semeurs d’espérance et des serviteurs de Dieu.

Pour introduire la vie du Frère Charles, le Père Xavier Chavane – délégué diocésain aux relations chrétien-musulman du diocèse de Versailles et membre de la Fraternité sacerdotale – nous a présenté cet homme qui se veut être le Frère de tous et qui se laisse toucher et transformer par la rencontre. Long cheminement d’un « homme qui passera d’un désir de convertir à celui d’un contemplatif voyant Dieu à l’œuvre là où il ne l’attendait pas ».

Dans un second temps, Xavier Chavane nous a partagé son expérience personnelle vécue entre la communauté chrétienne et la communauté musulmane de son quartier : des témoignages, et de belles histoires d’amitié et de confiance dans des relations interpersonnelles qui nous fortifient dans l’espérance d’un vivre-ensemble harmonieux et sincère.



La fraternité universelle au cœur de la vocation de Charles de Foucauld

Le Père Christian Delorme, délégué épiscopal à l’interreligieux sur le diocèse de Lyon, a bien spécifié l’ambivalence du personnage de Frère Charles avec les idées de son époque – époque particulière de la colonisation – qu’il gardera sans doute jusqu’au bout. Mais ce n’est pas de ce Foucauld là que nous nous revendiquons, mais de celui qui, malgré ses limites et ses préjugés culturels, a su s’abandonner à l’Amour de Dieu et s’est laissé transformer par ceux avec qui il vivait. Ainsi, il a tracé un sillon pour notre dialogue avec les musulmans : la fraternité universelle fut au cœur de sa vocation et il en a ouvert un chemin pour d’autres. Le P. Christian Delorme nous a ensuite présenté deux personnages pour qui Charles de Foucauld était une référence et qui lui ont été fidèles, non dans la copie de sa vie mais en faisant naître des choses nouvelles :

– Louis Massignon (1883-1962), un des plus grands savants islamologues du XXe siècle, qui avait eu la vie sauve grâce à des musulmans lors d'une expédition en Irak, et qui fut un des « re-découvreurs » du trésor de la mystique musulmane. Il fit connaître, en particulier, la grande figure de Mansour al-Hallaj, mystique du IXe siècle de l'ère commune, en qui il voyait une figure christique de l'islam.

Louis Massignon, dont Charles de Foucauld avait espéré qu'il serait son compagnon et successeur, fut notamment le fondateur de la Badaliya (« substitution » en arabe), une union de prière de chrétiens s'offrant pour les musulmans. C'est lui qui a engagé le premier, auprès de Rome, la procédure de canonisation de Charles de Foucauld. Le cardinal Jean-Baptiste Montini, futur Pape Paul VI, avait été membre de la Badaliya et un ami de Louis Massignon. Cela compta dans la reconnaissance des valeurs des musulmans par le Concile Vatican II.

– Christian de Chergé (1937-1996), fils d'officier supérieur, prieur du monastère de Tibhirine, assassiné en 1996 avec sept de ses frères. Il n'eut de cesse de vouloir honorer la dette qu'il avait envers le garde champêtre Cheikh Benmechay, qui lui sauva la vie durant la Guerre d'Algérie et qui en mourut. Il avait pris l'habitude de faire une « lectio divina » du Coran, ouvrant là un chemin inédit… Avec le Père Claude Rault, qui fut évêque du Sahara, Christian de Chergé fut l'un des co-fondateurs et animateurs du « Lien de la Paix », un groupe de dialogue spirituel entre chrétiens et musulmans d'Algérie.

On ne peut enlever à Frère Charles son immense travail et la qualité des travaux linguistiques berbères qu’il a entrepris. C’est ce que nous a présenté Elodie Blondeau, Petite Sœur du Sacré Cœur et déléguée diocésaine aux relations chrétiens-musulmans du diocèse de Saint-Denis : « une œuvre linguistique monumentale et des travaux publiés » (dictionnaire touareg, traduction des poésies, de la grammaire et des chants...). Sous l’influence du linguiste Adolphe de Calassanti Motylinski, il a changé de méthode en traduisant non plus du français au tamahaq mais du tamahaq au français. Ce changement de méthode, qui fut aussi un changement de perspective, l’a lancé dans une aventure linguistique inattendue pendant plus de 10 ans, contribuant non seulement à la mise en valeur du patrimoine linguistique des Touaregs mais aussi à sa propre évolution intérieure et mystique et à l’émergence d’un nouveau paradigme missionnaire pour l’Eglise : celui de la Fraternité et du dialogue du salut.



Chaque être humain gravit la montagne de Dieu mais chacun sur son versant

Nous ne pouvons pas parler de ce colloque sans évoquer la participation de l’ensemble musical pour la Paix, sous la direction de Bachir Chami. Nous avons écouté ensemble cette musique sacrée issue de nos trois religions du livre : juive, chrétienne et musulmane. Chanter est aussi une manière de valoriser un dialogue et un vivre-ensemble.

Aussi, Abelkader al-Andaloussy Oukrid, enseignant à la Faculté de philosophie du Centre Sèvres à Paris, nous a exposé comment l’appel à la fraternité imprègne l’islam à travers différents hadiths, ce qui laisse à penser que la fraternité n’est pas seulement souhaitable mais réalisable. Il nous faut exorciser la fatalité de la violence, sans illusion mais sans le pessimisme ambiant non plus. Au terme de nos réflexions, Abdelkader al-Andaloussy nous a invités à relire différents mystiques de la tradition musulmane et chrétienne. Il nous a fait toucher que la demeure un bien profond mystère : celui de notre universalité. Chaque être humain gravit la montagne de Dieu mais chacun sur son versant. À l’arrivée, on va s’apercevoir que nous n’étions pas seuls à gravir cette montagne.

À la suite de Frère Charles, c’est bien à cela que la Fraternité séculière Charles de Foucauld nous invite : promouvoir un dialogue entre chrétiens et musulmans où chacun est invité à se dépasser en faisant tout d’abord silence et entrer dans une écoute profonde jusqu’aux oreilles de nos cœurs. Une écoute mutuelle, sereine, reçue comme une grâce, et qui ne peut se faire qu’avec un brin d’humilité. Ainsi, enracinés dans nos traditions, nous pourrons nous comprendre et entrer en compassion dans la blessure de l’autre : alors nous irons de l’avant, en nous frayant un chemin dans nos simples rencontres de voisinage, dans l’amitié, dans la collaboration à des œuvres ou à des engagements dans des actions citoyennes, dans le partage de nos écritures et de nos sources … ou simplement dans l’espace d’un chant, d’un souffle. Il y a urgence.
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