C'est dans ce palais que le roi d'Assyrie Assarhaddon réunissait sa cour, il y a près de trois millénaires. Longtemps restée cachée et inaccessible, la construction a émergé, triste ironie de l'histoire, des ruines d'une mosquée de Mossoul, détruite en 2014 par Daech.
Érigé sur le tell (colline artificielle) de Nebi Yunus, le bâtiment religieux a été démoli à l'explosif par Daech, comme beaucoup d'autres sites archéologiques de la ville irakienne. Mais la destruction de la mosquée n'aura pas été vaine : des scientifiques de l'Université de Heidelberg en Allemagne ont en effet pu découvrir les restes d'un palais souterrain datant de l'époque de l'Empire assyrien.
Le piédestal du trône dans la salle où le roi recevait ses visiteurs. Avec l'aimable autorisation du projet de fouilles de Ninive, Université de Heidelberg
Sur les pas des terroristes, qui ont tenté de récupérer de nombreux artefacts pour les revendre, les archéologues se sont frayé un chemin à travers des galeries souterraines parfois de 70 cm de haut. Un effort largement récompensé lorsqu'ils ont finalement débouché sur la porte du palais, gardée par quatre grands reliefs de taureaux ailés. Les tunnels les ont ensuite amenés dans un hall de 55 mètres de long dans lequel Assarhaddon recevait ses visiteurs, juché sur une plateforme haute de cinq mètres. « C'est la plus grande salle du trône de l'empire assyrien à ce jour », explique au journal Die Welt Peter Miglus, professeur d'archéologie à Heidelberg.
L'un des taureaux ailés gardant la porte d'entrée. Avec l'aimable autorisation du projet de fouilles de Ninive, Université de Heidelberg
Un palais de 450 mètres de long
D'après les archéologues, le palais est en partie conservé, ce qui est d'autant plus surprenant que l'ancienne ville assyrienne Ninive, aujourd'hui recouverte par les banlieues de Mossoul, a été fondée en 612 avant notre ère, puis largement détruite par les armées alliées des Babyloniens et des Mèdes. L'existence de la résidence royale était déjà connue depuis des décennies, mais personne n'avait pu y accéder jusqu'ici.
Au départ simple arsenal construit par le roi Sennachérib pour conserver les trésors rapportés des guerres et permettre aux chevaux de s'entraîner, le lieu devint un véritable palais sous le règne de son fils Assarhaddon, de -680 à -669. Ses campagnes couronnées de succès ont par la suite fourni au roi les moyens de l'agrandir, et d'en faire un édifice aux dimensions impressionnantes. Le bâtiment mesurait ainsi environ 450 de longueur et entre 200 et 300 mètres de largeur. Des textes assyriens rapportent qu'Assarhaddon avait fait décorer le palais de pierres exotiques, de bois, d'ivoire et de métaux précieux.
Inscription du roi Assarhaddon (680-669 avant J.-C.) sur un panneau mural du palais. Avec l'aimable autorisation du projet de fouilles de Ninive, Université de Heidelberg
Les scientifiques allemands disposent désormais de cinq ans pour effectuer l'ensemble de leurs recherches sur le site archéologique. Mais le coronavirus, qui a contaminé un peu plus d'un millier de personnes dans le pays, a stoppé pour une durée indéterminée tout projet de fouille. Peter Miglus espère pouvoir toutefois reprendre les recherches à l'automne 2020 : «Nous avons beaucoup à faire, mais nous n'avons pas beaucoup de temps», a-t-il déclaré à Die Welt.
La mosquée rasée par les terroristes de Daech doit en effet bientôt être reconstruite. «Notre idée est de réunir en un ensemble la mosquée et le palais royal assyrien, créant ainsi un lien visible entre l'Orient ancien et l'islam», explique au journal Der Tagesspiegel Stefan Maul, professeur d'assyriologie à l'Université de Heidelberg. Ainsi, la résidence du roi Assarhaddon sera préservée, tout en permettant à la population de retrouver ce lieu de culte très prisé.