Il y a une grande soif de spiritualité mais qui ne trouve pas à se désaltérer

10:33 - December 26, 2023
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IQNA-Pour Christian ROBERTI, l’organisation des rencontres interreligieuses autour de thème comme celui de la paix, peut aider les adeptes des religions divines à se rassembler et à réfléchir ensemble à des solutions pour les souffrances humaines communes.

Christian Roberti frère de la congrégation du Saint EspritChristian Roberti, 76 ans, est frère de la congrégation du Saint Esprit, une congrégation missionnaire (missionnaire dans le sens de ‘témoin’) internationale dont tous les membres, prêtres et frères, font voeu de célibat . Cf. site https://spiritanroma.org

Il est médecin et a un master en Santé publique de l’IMT Antwerp
Il a travaillé pendant 20 ans dans les services de santé de la RDC puis pendant 13 ans dans la coopération médicale comme policy officer à Memisa Belgique asbl. Cf. site https://memisa.be/fr/memisa-dans-le-monde/
Il est actif dans le dialogue interreligieux et oecuménique à Bruxelles. Il y défend aussi les droits des migrant.es.

Nous avons interviewé M.Roberti à l'occasion de l'anniversaire de la naissance du prophète Jésus (as).

M. Roberti, pourquoi l'éthique a-t-elle décliné aujourd'hui dans les sociétés, en particulier dans les sociétés occidentales ?
 
Le pape François dans son encyclique Laudato Si (LS) de 2015 et dans son exhortation apostolique Laudate Deum (LD) d’octobre 2023 l’explique.
Le paradigme technologique est comme un tsunami qui balaie tout sur son passage (LS n°106, 107). 
Il exerce son emprise sur l’économie et la politique et on arrive à la domination (LS n°108), à la loi du Marché qui peut tout et permet de maximiser les revenus aux dépens des faibles et de la Création (LS n°109), à la fragmentation (LS n°110), à l’égoïsme malgré le désenchantement et l’ennui (LS n°113).
L’anthropocentrisme moderne est dans la démesure (LS 116) et en état de schizophrénie permanent (LS 118).
Le relativisme pratique donne la priorité à l’intérêt personnel aux dépens de celui d’autrui et de la Création (LS 122).
LD 24 dit qu’il manque une éthique solide et qu’il faut repenser la question du pouvoir humain.
 
Dans les sociétés occidentales, le paradigme technocratique s’est développé sur un fond :
•    D’exégèse erronée du livre de la Genèse : Dieu a confié la terre aux humains pour y vivre une vie digne et respectueuse des autres et de cette terre. Pas pour exploiter autrui et piller la terre.
•    De réaction en sens contraire face au pouvoir exagéré que l’Église exerçait depuis des siècles sur les consciences alors qu’il n’y avait pas séparation des pouvoirs entre l’Église et l’État ; c’est ce qu’on appelle la sécularisation.  
•    D’exaltation du ‘moi’ chez l’homme blanc. 
•    D’autonomisation extrême extrême du sujet qui réclame un contrôle total sur son propre corps. 
 
Les femmes et hommes politiques qui votent des lois comme celle de l’euthanasie croient bien faire : ils/elles disent vouloir tenir compte de la souffrance des personnes qui la demandent.

Le monde d'aujourd'hui a plus que jamais besoin de spiritualité et de connexion avec la source de l'existence. Quelle est votre opinion sur la relation de la jeune génération avec la spiritualité et la religiosité ?
 
Je suis attentif aux jeunes mais les connais mal vu mon âge (76 ans). 
Il y a une grande soif de spiritualité mais qui ne trouve pas à se désaltérer vraiment. En effet :
•    Les réponses à cette soif de spiritualité sont multiples (l’information indiscriminée coule à flot dans les GSM) et cela amène à un relativisme religieux (toutes les religions se valent…) et à un questionnement faute d’avoir les clés pour décoder ce qui est à prendre et à laisser. Les parents eux-mêmes, quoique de très bonne volonté, sont souvent dépassés.
•    Les jeunes ne sont pas opposés à la religion, la plupart sont agnostiques mais très tolérants vis-à-vis de ceux/celles qui ne pensent pas comme eux/elles.
•    Les deux tentations qui les guettent sont : 
•    Soit le découragement, la dépression, le suicide, les addictions, le sexe,
•    Soit se faire manipuler et tomber dans l’extrémisme de gauche ou de droite, voir l’extrémisme religieux qui est la pire forme. 
 
Je reste optimiste en les voyant d’engager pour le Bien commun, avec détermination : ils ont un si grand défi à relever !. 
 
Aujourd'hui, comment les adeptes des religions divines peuvent-ils réfléchir ensemble à des solutions pour les souffrances humaines communes ?
 
En se rapprochant par : 
•    La demande de pardon et la réconciliation suite à tout le sang versé et autres méfaits commis dans le passé les uns envers les autres au nom de notre religion et l'engagement à vivre désormais des relations apaisées sans plus jamais justifier la violence au nom de Dieu.
•    L’organisation des rencontres interreligieuses autour de thème comme celui de la paix. Cela se fait, comme les rencontres d’Assise organisées par le pape à intervalles réguliers (la première a eu lieu en 1986), mais pas assez à cette échelle. Au niveau chrétien, le mouvement œcuménique a fait beaucoup de progrès (il y a quelques siècles on se détestait cordialement entre catholiques et protestants et on se faisait la guerre) mais la route vers l’unité est encore longue.
•    Les visites réciproques : p.ex. le pape François a visité l’ayatollah al Sistani en 2021, l’imam d’Al-Azhar Ahmed al Tayeb en 2019 avec lequel il a signé une déclaration très importante... Mais aussi les visites réciproques entre voisins de confession différente, p.ex. à l’occasion des grandes fêtes religieuses.
•    La mise en place de groupes d’échange théologique, spirituel (p.ex. la Conférence mondiale des contemplatifs).
•    L’encouragement de visites réciproques d’immersion religieuse.
•    La formation : des jeunes, de celles et ceux qui sont appelés à devenir des responsables religieux ; on minimisera ainsi le fondamentalisme religieux si dangereux.
•    L’abstention de tout prosélytisme.
•    Un leadership qui est service humble, qui fait la place à toutes les voix, en priorité celle des pauvres, aux différentes sensibilités. Le cléricalisme a coûté cher à notre Église.  
•    Des déclarations communes en vue de défendre ensemble les droits humains.  
•    La défense active des minorités religieuses
     
Une clé du succès est l’indépendance des religions par rapport à l’ingérence du politique.
 
Quelle est votre opinion sur la formation d'une coalition mondiale pour l'éthique, la spiritualité et l'attention envers Dieu, et comment l'Église peut-elle jouer un rôle dans ce domaine ?
 
Ce serait une très bonne chose. 

 
L’Église catholique ensemble avec le Conseil œcuménique des Églises devraient s’engager ensemble dans cette voie.
 
Le pape François utilise l’image du polyèdre : « Il me plaît d’imaginer l’humanité comme un polyèdre, dans lequel les formes multiples, s’exprimant, constituent les éléments qui composent, dans la pluralité, l’unique famille humaine. C’est cela, la vraie globalisation! L’autre globalisation, celle de la sphère, est une homogénéisation!» On pourrait aussi utiliser cette image du polyèdre pour les religions. 

Par Parvaneh Salehi
 

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