À Noisy-le-Sec, le sport interdit aux basketteuses voilées : le symbole d’une exclusion

14:15 - September 15, 2025
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IQNA-À Noisy-le-Sec, en Seine-Saint-Denis, une petite équipe de basket féminin illustre les conséquences directes de la politique française d’interdiction du voile dans le sport.

Selon courrierinternational, depuis fin 2022, la Fédération française de basket-ball (FFBB) interdit le port de tout signe religieux ou politique en compétition. Cette mesure a conduit des jeunes femmes musulmanes voilées, comme Coumba Badiaga et Fatou Soumare, à abandonner la compétition et parfois le sport tout entier. Certaines, démotivées par cette exclusion, ne s’entraînent plus, tandis que d’autres restent sur le banc, limitées au rôle de spectatrices de leurs coéquipières.

Cette interdiction ne concerne pas uniquement le basket. Elle s’étend progressivement à d’autres disciplines, comme le football, le rugby ou le volley-ball, et pourrait bientôt être généralisée à l’ensemble du sport français. Au Sénat, un projet de loi adopté en février prévoit d’interdire tous signes religieux dans toutes les compétitions sportives, au nom du principe de laïcité.

Le sénateur Michel Savin, à l’origine du texte, défend cette orientation en affirmant que “les terrains de sport ne sont pas des lieux de pratique religieuse, mais d’unité”. Pour lui, cette interdiction vise aussi à contenir l’influence du communautarisme et des islamistes radicaux.

Cependant, plusieurs experts contestent cet argumentaire. La sociologue du sport Haïfa Tlili rappelle qu’aucune étude sérieuse n’a établi de lien entre le port du voile et un risque de radicalisation ou de trouble à l’ordre public. Selon elle, c’est précisément l’exclusion des joueuses voilées qui crée des tensions, et non leur participation. Malgré cela, les autorités persistent à considérer le voile comme un signe potentiellement problématique, renforçant une politique perçue comme discriminante.

Les conséquences pour les joueuses et la société

À Noisy-le-Sec, les effets de cette décision sont concrets et douloureux. Plusieurs joueuses ont quitté le club, tandis que l’entraîneur Timothée Gauthiérot a été suspendu pour avoir soutenu ses basketteuses. Lui-même a fait l’objet de menaces de mort, accusé à tort d’être un extrémiste en raison de son apparence. Pour les sportives, la sanction est encore plus lourde : elles perdent un espace de sociabilité, de bien-être et de construction personnelle. “La première fois que j’ai été exclue d’une compétition, j’ai pleuré aux toilettes”, confie Fatou Soumare, qui persiste malgré tout à venir aux entraînements.

L’association Basket pour toutes, créée pour défendre une pratique sportive inclusive, dénonce une mesure injuste qui frappe surtout des jeunes femmes déjà confrontées à d’autres formes de discrimination dans le logement, le travail ou la vie sociale. Selon Haïfa Tlili, ces interdictions risquent d’aggraver les inégalités, en décourageant des femmes de pratiquer une activité sportive, avec des conséquences sur leur santé physique et psychologique.

À l’international, la position française isole : la FIFA et d’autres fédérations mondiales autorisent depuis des années le port du voile en compétition, et les Jeux olympiques eux-mêmes l’acceptent. Seules les sportives françaises en sont empêchées, ce qui suscite incompréhension et critiques.

Au quotidien, malgré l’injustice ressentie, les basketteuses de Noisy-le-Sec tentent de garder une forme de normalité. Après l’entraînement, elles parlent du PSG, de leur avenir ou de leurs sorties, refusant de laisser la politique dicter entièrement leur vie. Mais pour Coumba Badiaga et ses amies, une certitude demeure : loin de renforcer la cohésion sociale, ces interdictions alimentent le sentiment d’exclusion et d’islamophobie en France.

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