En 2001, Nasser Achour, président de l'association Place publique, qui travaille sur la mémoire, l'identité et la citoyenneté, avait interpellé le maire de l'époque, Christine Marin, en vain. Les contacts avec la municipalité jeumontoise ont repris suite à l'arrivée de M. Saint-Huile à l'hôtel de ville. Assez rapidement d'ailleurs car, explique Marc Demeure, adjoint en charge du dossier, la demande des musulmans était tout à fait justifiée : «Il y avait une grosse lacune de ce côté-là. Il semble qu'il y avait pas mal de demandes de la part des Jeumontois depuis plusieurs années».
C'est ce que Nasser Achour qualifie de «droit au sous-sol», après le droit du sol : «Aujourd'hui, soit les gens sont rapatriés, un acte pour lequel ils cotisent à des Tontine, sorte de caisses de solidarité décès, soit ils sont enterrés comme tout un chacun». Cependant, la nécessité de se faire enterrer en France selon les rites correspond à un changement d'ordre générationnel : «Auparavant, les générations nées en Afrique du Nord étaient attachées à leur terre. Mais les nouvelles générations veulent être enterrées ici.». D'autant que le rapatriement a un coût : «Plus de 3 000 E».
À Jeumont, Amar Tolba a perdu ses deux fils en 2006 et 2007. Faute de carré musulman, la dépouille du premier a été rapatriée en Algérie : «Je voulais le faire enterrer à Louvroil, mais comme il ne vivait pas là, je n'ai pas eu l'autorisation», raconte le père. Le corps du second a été, pour des raisons financières notamment, enterré à Jeumont. Un déchirement pour les parents: «Sa tête est mal orientée, regrette Amar Tolba. On est à trois cents mètres du cimetière, mais ma femme ne vient pas se recueillir sur sa tombe, ça lui fait mal au coeur. Pour moi, le deuil n'est pas encore fait.» La municipalité s'était fixé pour objectif la réalisation de ce carré musulman lors du premier trimestre de cette année. «Mais on a eu un homme qui est décédé en janvier et dont les enfants voulaient absolument qu'il soit enterré selon les rites funéraires musulmans, alors on a accéléré les choses», indique M. Demeure. Aujourd'hui, une première tombe marque donc l'emplacement du carré confessionnel, qui pourra en recevoir une centaine dans un premier temps, un projet d'extension du cimetière étant dans les cartons.
Selon les rites musulmans, la tête du défunt doit impérativement être orientée vers la Mecque, ce qui ne pose pas de gros problèmes d'aménagement dans le cimetière. Ce sera d'ailleurs la seule particularité de ce «carré».
Seuls les habitants de la commune pourront y être enterrés, précise l'adjoint au maire, qui espère que l'exemple jeumontois inspirera les villes sambriennes qui ne disposent toujours pas d'un carré musulman.
D'ici quelques semaines, la dépouille du fils Tolba devrait, elle aussi, rejoindre l'emplacement dévolu : «Je leur tire mon chapeau», dit le père à l'attention de l'équipe municipale.
Source: La Voix du Nord