Selo Al Jazeera, fondée en 2010, cette institution éducative, affiliée à la direction des affaires religieuses islamiques de Serbie, s’est imposée comme l’un des centres les plus dynamiques de diffusion et de préservation du savoir coranique dans la région.
Le directeur de l’établissement, Irfan Malic, souligne que l’école accueille aujourd’hui plus de 3 000 élèves, répartis dans une trentaine de succursales à travers la Serbie, dont Belgrade, mais aussi à l’étranger, là où résident des communautés bosniaques.
De Novi Pazar jusqu’aux diasporas européennes, l’enseignement du Coran s’adresse à tous les âges, de 6 à 70 ans, unis par un même amour pour la parole divine. « Nous avons voulu qu’aucune ville ou village n’existe sans accès à une école coranique », déclare Malic.
Ce succès contraste fortement avec le passé douloureux de la région. Durant les décennies de régime communiste, l’expression religieuse des musulmans était sévèrement restreinte. À cette époque, réciter le Coran en alphabet latin était courant, faute de transmission traditionnelle.
« Personne n’avait mémorisé le Coran », se souvient Malic. Aujourd’hui, la situation s’est renversée : des dizaines de jeunes sont devenus hafiz, certains reconnus par des ijazat remontant en chaîne jusqu’au Prophète de l’islam.
Le parcours éducatif proposé est structuré et progressif : il commence par l’apprentissage de l’alphabet arabe, puis des règles de récitation (tajwid), avant d’aborder la mémorisation des parties du Coran. Le but ultime est d’atteindre la mémorisation complète du Livre saint, dans le respect des méthodes classiques.
Les enseignantes jouent un rôle essentiel dans cet élan. Emila Alickovic, l’une d’entre elles, affirme : « C’est une grâce divine que notre ville possède une école où l’on enseigne le Coran tel que le Prophète le récitait ». D'autres, comme Jenna Abdullah, insistent sur l’approche globale adoptée : en plus du texte, les élèves apprennent à en extraire les valeurs morales pour les appliquer dans leur vie quotidienne.
La portée de cette école dépasse l’enseignement strict. Chaque année, elle organise des concours internes pour stimuler les élèves, et participe à des compétitions internationales prestigieuses, dont celle de La Mecque, où ses représentants ont déjà remporté des prix notables.
Par ailleurs, la prière collective du 27e soir du Ramadan organisée par l’école dans la place centrale de Novi Pazar réunit jusqu’à 10 000 fidèles. À cette occasion, les élèves les plus brillants reçoivent des récompenses exceptionnelles, comme la possibilité de faire le pèlerinage à La Mecque.
Après plus d’une décennie d’existence, l’école coranique de Novi Pazar est bien plus qu’un centre d’apprentissage. Elle est devenue un pilier de la renaissance religieuse et culturelle des musulmans de Serbie, leur redonnant confiance, identité et lien vivant avec leur héritage spirituel.
Dans une région où l’islam semblait jadis condamné au silence, résonnent désormais, chaque jour, les voix des enfants récitant le Coran, écrivant ainsi une nouvelle page de leur histoire en lettres arabes.