La révolution de l’Imam Hussein est une source inépuisable d’enseignements

14:41 - July 15, 2024
Code de l'info: 3489160
IQNA-La révolution de l’Imam Hussein est une source inépuisable d’enseignements qui, d’une part, rénove notre vision de la justice dans un monde qui ne cesse d’inventer de nouvelles formes d’injustices, et d’autre part, qui nous procure la force nécessaire pour lutter contre le mal. 

Isabelle Soumaya Praile, belge d’origine, est née dans une famille chrétienne et elle a grandi dans un milieu de valeurs morales et de respect envers la diversité des croyances, idéologies, cultures, races et origines sociales. Baignée dans un esprit critique de l’instrumentalisation par les humains des religions et idéologies pour asseoir la domination d’une minorité de personnes au détriment de la majorité, tels l’inquisition, les guerres, le capitalisme, les dérives politiques, le colonialisme et ses formules modernes, les discriminations et violences envers les femmes.... 

Nous avons interviewé Mme Praile à l’occasion de l’arrivée du mois de Moharram, la saison de la guerre pour la justice, où le petit-fils du Prophète de l’islam (psl) a trouvé la mort en martyre face à l’immense armée de l’injustice.

IQNA : Pourquoi la bataille de Karbala est-elle significative pour les musulmans ? 

Isabelle Soumaya Praile : La tragédie de Achoura à Karbala est un évènement unique dans l’histoire, unique par le fait qu’elle est une alarme qui éveille les consciences. Ceci peut être le fruit de deux cheminements, soit par la réappropriation de l’histoire de cette bataille ou alors par l’éveil émotionnel suite à la découverte du récit de cette tragédie du martyre du petit-fils chéri du Prophète de l’Islam, l’Imam Hussein, de sa famille (paix sur eux) et de ses fidèles compagnons et amis. 

L’Histoire officielle a majoritairement été écrite par les dominants. Les religions et les idéologies furent instrumentalisées à des fins de convoitises personnelles et politiques. Ainsi, l’inquisition fut menée par des hommes d’Eglise au Moyen Âge, les amérindiens furent exterminés par les colons d’Amérique, les bouddhistes de Birmanie massacrèrent la minorité musulmane il y peu, le judaïsme justifie le génocide des palestiniens par un peuple qui se dit « élu »… Suite à ces déviances, les apartheids et les racismes se normalisent dans toute société, y compris celles dites démocratiques.

L’Islam ne fut pas épargné de ces fléaux. Du vivant du Prophète (paix sur lui et sur sa famille bénie et infaillible) et au lendemain de sa mort, certains, en proie à leur avidité de pouvoir et aux plaisirs terrestres, versèrent dans la confiscation de la lecture de l’islam authentique pour imposer leur dictature par les conquêtes armées en détournant le message de son origine divine.  

Cette bataille de Achoura est donc significative pour les musulmans car c’est un fait avéré que c’est la communauté du Noble Prophète de l’Islam qui a justifié, au nom de sa déviance, le massacre de son petit-fils (paix sur Lui), d’une partie de sa famille et ses compagnons et qui a pris en captifs de guerre les femmes et enfants de cette sainte famille (paix sur eux).

La gravité de cette calamité s’amplifie par la découverte du motif de l’insurrection de l’Imam Hussein. Sa réforme de la société musulmane s’opposait aux dérives morales qui frappaient la voie du Prophète à tous les niveaux politique, social et humain en général. Cette révolte de l’Imam Hussein , dans ce contexte décrit, ne pouvait qu’investir la lutte de la justice contre l’injustice de cette déviation du message divin.

Quel message les musulmans tirent-ils de l'événement de l'Achoura ?

La découverte de la tragédie de Achoura peut provoquer un choc auprès de certains musulmans et susciter un grand questionnement concernant l’histoire, la politique et la gestion de la société. Evidemment, le message de Achoura implique une relecture de l’histoire de la religion de l’Islam.

Une fois cette relecture opérée, la voie de nouvelles découvertes et richesses de l’Islam s’ouvre à la lumière de Achoura de l’Imam Hussein (paix sur lui). Chaque année, lors des commémorations s'offre une occasion d'approfondir une approche inédite de cette tragédie. Ce qui permet d'accéder à des savoirs tant philosophiques que spirituels qui renforcent notre amour et les leçons de principes et de comportements pour notre quotidien. Par l'amour et les pleurs, la tristesse, la compassion, l'empathie pour l'imam Hussein (paix sur lui), notre cœur et notre foi se purifient et Dieu nous offre la voie à l'effacement des péchés, au pardon et à sa miséricorde en plus de l’exaucement des invocations. 

Quel est l'impact d’Achoura sur la communauté musulmane aujourd'hui ?

« Tout ce que nous avons provient de Achoura » a dit l’Imam Khomeiny (que son âme repose en paix). Cette phrase représente l’impact le plus important de Achoura de l’Imam Hussein (paix sur lui) sur notre vie contemporaine des 20ième et 21ième siècles pour les communautés musulmanes et pas que musulmanes

Il n’y a pas de doute que le slogan « Ni Est ni Ouest ! » provient aussi de Achoura de Hussein (paix sur lui). Alors que le monde était déchiré entre ces deux pôles, dont chacun laissait miroiter un faux espoir à une des deux parties des habitants du globe terrestre, ce slogan a réveillé les populations opprimées afin de suivre une nouvelle voie pour atteindre la liberté.

Grâce au slogan « Ni Est ni Ouest ! », la première révolte du peuple afghan s’est érigée contre la domination de l’Union Soviétique. Malgré la récupération de cette révolte par le colonialisme américain, l’abolition du monde soviétique se produisit de façon structurelle. Dans sa lettre historique à Gorbatchev, l’imam Khomeiny (que son âme repose en paix)  l’avait prévenu des dangers du mode colonialiste occidental matérialiste. Malheureusement, ses conseils furent négligés, ce qui causa davantage de domination fomentée par l’impérialisme américain.

La Russie d’aujourd’hui continue à souffrir intérieurement et extérieurement des conséquences de ce choix. Intérieurement, car l’option choisie est issue du monde matérialiste qui cherche le développement par et pour l’intérêt rendant caduc l’accès au véritable bonheur et à la réelle liberté. Et extérieurement, car la Russie actuelle subit toujours la convoitise de l’impérialisme américain offrant ainsi une brèche à l’Occident pour poursuivre sa manipulation derrière le jeu déguisé de la soi-disant « civilisation ». Une des démonstrations flagrantes se traduit par le marasme du conflit en Ukraine basé sur l’intérêt et non sur les principes car si la Russie était motivée par des valeurs morales, elle aurait adopté des positions plus claires dans des conflits mondiaux tels celui de la question palestinienne, de la guerre contre le Yémen et de l’aide au Venezuela contre l’embargo américain.

La guerre imposée par Saddam à l’Iran (1980-1988) avait également pour but d’étouffer ce souffle de Achoura.

L’abolition du régime d’apartheid en Afrique du Sud a été réalisée grâce à ce parfum bénéfique insufflé par Achoura qui se traduisit par l’appel de l’imam Khomeiny à condamner ce régime et à rompre les relations diplomatiques avec ce pays. L’effet boule de neige de cette position déferla de par le monde suscitant des condamnations politiques et diplomatiques qui aboutirent à l’abolition de cet apartheid.

Pour rappel, la cause palestinienne était presque enterrée et c’est à nouveau la révolution iranienne qui lui redonna vigueur par l’essence de Achoura. Ainsi fut insufflée la première révolte des pierres (Intifada de 1986). D’ailleurs, la révolution iranienne continue à soutenir et à inspirer la cause palestinienne sur plusieurs fronts de la résistance. Tout cela représente un impact de Achoura. Le supplice des palestiniens aujourd’hui réveillent dans leur esprit et la conscience du monde les chroniques de la tragédie de Karbala le jour de Achoura.

C’est dans cette même logique que Qaeda et Daesh furent inventés pour étouffer les souffles libérateurs inspirés de Achoura dans le monde, souffles qui attisèrent tant la révolte du Yémen contre la domination américano-saoudienne, que celles des pays d’Amérique Latine qui s’opposaient à l’impérialisme américain.

Ce vent émancipateur de Achoura poursuivra sa trajectoire jusqu’au retour de l’Imam Attendu (puisse Dieu faciliter sa réapparition).

Quels enseignements les musulmans peuvent-ils tirer du comportement et des paroles de Hussein ibn Ali à Karbala ?

Les enseignements de Karbala sont multiples et intemporels, que ce soit par les paroles de l'imam Hussein, paix sur lui, que par les particularités de ses compagnons, de sa famille, des femmes... En termes de principes, de valeurs, de qualités multiples, ils sont des sources intarissables de leçons diverses à impulser dans notre vie contemporaine.
 
La tragédie de Achoura met en exergue la dualité entre les comportements du calife Yazid et de ses sbires sans foi ni loi qui recoururent à l'oppression, à la violence à la débauche, à l'immoralité, à la barbarie... face à la moralité, la justice les valeurs d'humanité de l'imam Hussein, de sa famille et de ses partisans. L'être humain, doté d'esprit critique et libre est alors confronté à ce dilemme du choix entre le bien et le mal.

L’Imam Hussein (paix sur lui) expliqua son départ de Médine pour ordonner le bien et interdire le mal: « Je ne me suis pas soulevé de gaîté de cœur, ni par arrogance ni dans l’intention de semer la corruption ni de commettre l’injustice. Je me suis soulevé pour demander la réforme de la communauté de mon grand-père, je veux ordonner le bien et interdire le blâmable, et suivre les traces de mon grand-père et de mon père ! ».

D’autres paroles pleine de sens nous éveillent sur la vrai liberté, notre rapport à la mort et à l’injustice : « Je ne vois en la mort qu’un bonheur et en la vie parmi les injustes qu’une angoisse ». La mort avec dignité est préférable à la vie sous l’humiliation.   « Si vous n’arrivez pas à être de bons croyants alors au moins soyez des hommes libres ». Par la prononciation du témoignage de foi on devient musulman et la voie s’ouvre alors au grand jihad interminable de la guerre intérieure contre ses envies et ses instincts où la foi nous accompagne vers la conviction de la croyance sur un chemin difficile d’accès, parsemé d’embûches et d’épreuves. Dieu ayant créé l’homme libre, pour ne devenir l’esclave de rien ou de personne, préserver cette liberté à tout prix devient une responsabilité de chacun à défaut d’accéder à la croyance pure.

Al Horr, issu d’une noble tribu et connu pour son courage, obéissait aux ordres du calife et intercepta l’Imam Hussein (paix sur lui) sur sa route. Lorsqu’il comprit que le combat allait être mener jusqu’au martyre du petit-fils du Prophète, il vint alors rejoindre les rangs de l’Imam Hussein, préférant le Paradis à l’Enfer. Son repentir accepté, il recouvra alors la véritable liberté en combattant  farouchement l’armée de Yazid comme le décrit cette parole de l’Imam (p): « Tu es libre (Al Horr), comme ta mère t’a nommé, libre sur terre et dans l’Au-delà. » 

Abu Fadl al-Abbas, fils de l’Imam Ali(p) et de Oum Al Banîne, demi-frère de l’Imam Hussein (p), doté d’une carrure imposante, il était aussi connu pour ses qualités et son héroïsme. La caravane assoiffée, il pourfendit de son sabre les assaillants pour prendre de l’eau à la rivière. Il résista à l’envie d’en boire quelques gouttes en pensant à son frère et aux enfants dépérissant de soif et prit le chemin du retour où il mena un combat avec l’armée jusqu’à la perte de ses deux bras et au coup fatal qui le terrassa. Ainsi il fut connu pour sa bravoure, sa générosité, son abnégation, son altruisme, son amour pour la famille du Prophète (paix sur lui et sur sa famille bénie et infaillible) et sa fidélité à son frère et Imam (p).

Son honorable mère éleva ses quatre fils pour protéger et défendre leur demi-frère et sa famille par amour de Fatema-Zahra (paix sur elle). Suite aux tristes nouvelles au lendemain de la tragédie et à l’annonce du martyre de ses quatre fils, Oum Al Banîne s’enquerrait de Hussein (paix sur lui) et s’effondra en pleurs quand elle apprit son massacre. Atteindre un tel seuil d’effacement de soi par l’amour de la Sainte Famille au point du sacrifice de sa propre chair est une démonstration de l’unique salaire de l’amour des proches demandé à Dieu en contrepartie de ses bienfaits.

Tout en Ali Akbar du haut de ses vingt ans, rappelait le Prophète Mohamad (pslf), son allure, sa beauté, sa carrure, sa prestance, son éloquence, sa grâce… Il tenta en vain par ses propos de rappeler à la raison les hommes du calife. Son élocution, sa voix et son allure rappelaient tant son grand-père… Sa détermination, son courage et ses convictions le portèrent jusqu’à son dernier soupir avec cette parole adressée à son père :   « Ne sommes-nous pas dans le droit , alors cela nous est égal (de mourir ou pas sur la voie de la défense du droit) ».

Le récit des adieux de son père à sa fille Ruqaiya (qui perdra aussi la vie en découvrant sa tête décapitée) démontre l’attention particulière, le respect, l’amour et l’affection envers les filles. La tragédie de Karbala réveille aussi sur la place, le rôle et l’attitude à adopter envers les femmes en Islam. C’est grâce à Zeinab Al Kobra, sœur de Hussein (paix sur eux) qui, captive, résistera avec bravoure et courage pour protéger les enfants prisonniers malmenés. C’est par son discours, son savoir et son éloquence qu’elle dénoncera le massacre de Karbala et qu’elle fera surgir des ténèbres la vérité sur Achoura.
 
Finalement, la révolution de l’Imam Hussein est une source inépuisable d’enseignements qui, d’une part, rénove notre vision de la justice dans un monde qui ne cesse d’inventer de nouvelles formes d’injustices, et d’autre part, qui nous procure la force nécessaire pour lutter contre le mal. 

Comment les événements de l'Achoura sont-ils perçus dans le contexte des relations interconfessionnelles ?

Les observateurs de Achoura pourront découvrir que cet évènement a traversé tous les clivages dont je cite à titre d’exemple la participation de chrétiens qui soutinrent cette révolte. Et jusqu’à aujourd’hui, des personnes de croyances diverses se retrouvent dans les commémorations de Karbala et dans les valeurs véhiculées. L’actualité en témoigne par les gestes de solidarité de chrétiens qui accueillent les cortèges de Achoura à qui ils offrent des bouteilles d’eau et par la participation de multiples délégations à la marche de l’Arba’in. Les leçons de cette révolte ravivent et fédèrent les valeurs morales humaines communes à tous les êtres vivants épris de justice au-delà des confessions. On assiste à une unité de principes et de valeurs humaines d'inspiration divine qui unifie les cœurs.

Cette épreuve de l'imam Hussein, paix sur lui, s'inscrit dans le grand projet divin qui prépare au retour de l'imam Attendu (que Dieu facilite son retour). La vie exemplaire des Imams infaillibles, lumières et guidances pour l'humanité entière, vient parfaire la justice sur terre face à l'obscurité. C’est la voie unique pour la félicité céleste à l'opposé de la servitude des plaisirs terrestres. Approfondir son lien avec Achoura est une confirmation de l’engagement pour la défense du droit, de la vérité, de la justice et de l’humanité contre l'oppression. C’est s’inscrire sur le chemin Husseini même si le prix en est le don de soi... Cette démonstration de tous les jours légitime l’allégeance au Sauveur de toute l’Humanité !

Par Parvaneh Salehi

captcha