La station Marie : quand la foi et l’art se rencontrent au cœur de Téhéran

11:48 - October 21, 2025
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IQNA-Dans la trépidante artère de Karim Khan, au cœur de Téhéran, se trouve un lieu qui dépasse la simple fonction de transport urbain. La station Marie – traduction du persan Eyestgah-e Maryam Moqaddas – est bien plus qu’une station de métro : elle est un espace de contemplation, un symbole d’unité et de respect entre les religions. 

Située face à la célèbre église Saint-Sarkis, cette station se distingue par son architecture inspirée de l’art sacré chrétien et par les inscriptions coraniques qui rappellent la place éminente de Marie (Maryam) dans l’islam. En conjuguant foi, art et cohabitation pacifique, ce lieu incarne une vision d’ouverture et de dialogue spirituel au sein d’une métropole moderne.

Une architecture qui dialogue avec la spiritualité
Dès l’extérieur, la station Marie surprend par son allure singulière. Sa façade blanche ornée d’arcs en ogive et de motifs rappelant les églises médiévales attire immédiatement le regard des passants. L’entrée, décorée d’un fond rosé sur lequel figure le nom de la station, contraste avec la blancheur des murs et invite à la sérénité. Ce choix esthétique n’est pas anodin : il reprend des éléments visuels des lieux de culte chrétiens pour les harmoniser à un espace public musulman, créant ainsi une passerelle symbolique entre les deux traditions.

À l’intérieur, la lumière, la couleur et la forme concourent à évoquer la spiritualité. Le bleu dominant, inspiré du bleu céleste du chœur de l’église Saint-Sarkis, unifie les deux espaces séparés par la rue. Les plafonds voûtés et la douceur de l’éclairage instaurent un sentiment de recueillement inhabituel dans un métro.

La station Marie : quand la foi et l’art se rencontrent au cœur de Téhéran

Le choix architectural exprime une volonté de célébrer la coexistence des cultures religieuses dans la capitale iranienne. Les concepteurs n’ont pas cherché à créer un décor spectaculaire, mais une atmosphère capable de susciter l’émotion et la réflexion. Pour les voyageurs qui y transitent chaque jour, le lieu devient une halte spirituelle autant qu’un passage urbain.

L’art sacré comme langage universel
Au-delà de sa beauté formelle, la station se distingue par la richesse de son symbolisme religieux. Dès l’entrée, la formule Bismillah ar-Rahman ar-Rahim (« Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux ») est inscrite en quatre langues : persan, arabe, arménien et anglais. Cette calligraphie multilingue exprime un message universel : l’unité des croyants en un Dieu unique, quelles que soient leurs traditions.

La station Marie : quand la foi et l’art se rencontrent au cœur de Téhéran

Plus bas, un relief en pierre attire l’attention : il représente les versets 29 à 34 de la sourate Maryam du Coran, relatant la naissance miraculeuse de Jésus et les paroles qu’il adresse depuis son berceau. Ce passage coranique, qui honore Marie comme modèle de pureté et de foi, rappelle que l’islam reconnaît et vénère également cette figure biblique. Dans le cadre d’un espace public laïc, cette évocation spirituelle agit comme un pont entre les écritures saintes et la vie quotidienne des habitants.

La station Marie : quand la foi et l’art se rencontrent au cœur de Téhéran

Des panneaux exposent aussi des extraits de discours soulignant la valeur morale et spirituelle de Marie dans la pensée islamique contemporaine. L’ensemble de ces éléments transforme la station en un véritable musée souterrain du dialogue interreligieux, où la beauté artistique se met au service du sens.

Selon Mohammad Amin Shabanian, responsable du projet, la conception initiale de la station n’intégrait pas ces références. Le changement de nom – d’abord purement technique – a inspiré une révision complète du design pour en faire un lieu porteur de message. Cette transformation, réalisée sans surcoût majeur, a mobilisé durant un an ingénieurs, artistes et représentants de l’Église arménienne Saint-Sarkis.

La station Marie : quand la foi et l’art se rencontrent au cœur de Téhéran

Le père Sahak Khosrovian, membre du conseil du diocèse arménien de Téhéran, a salué cette coopération : « Ce projet prouve que l’art peut rapprocher les âmes. La beauté, lorsqu’elle est partagée, devient prière commune. » Ses paroles résument la philosophie du lieu : faire de l’esthétique un vecteur d’unité spirituelle.

Participation de la communauté arménienne à la conception
Le représentant des chrétiens arméniens du nord du pays, Arâ Chavordian, s’est exprimé à propos de la nouvelle station de métro portant le nom de la Vierge Marie à Téhéran. À l’occasion de l’ouverture de la vingt-cinquième station de la ligne 6, située à proximité du parc de la Vierge Marie et de l’église Saint-Serkis, à l’intersection des rues Karim Khan Zand et Ostâd Nejatollâhi, il a exprimé sa gratitude pour cette dénomination.

La station Marie : quand la foi et l’art se rencontrent au cœur de Téhéran

Chavordian a remercié le maire de Téhéran, le maire du sixième arrondissement, les maires de districts, le directeur du métro et tous les responsables urbains, soulignant que la station a été inaugurée dans les délais et le budget prévus et qu’elle offrira un service précieux aux citoyens. Il a rappelé la cohabitation historique de toutes les ethnies et religions en Iran, comparant le pays à un tapis multicolore où chaque nœud représente la culture et la foi d’un peuple, contribuant à l’unité nationale.

Il a également évoqué la participation de la communauté arménienne dans la conception de la station, mentionnant l’intégration d’éléments religieux et urbains dans le design, ainsi que la réalisation d’une statue de la Vierge tenant l’Enfant Jésus, financée par un bienfaiteur arménien. Enfin, il a souligné l’engagement des responsables à servir tous les citoyens équitablement et à améliorer les services urbains malgré les défis économiques et environnementaux.

La station Marie : quand la foi et l’art se rencontrent au cœur de Téhéran
Un message de coexistence dans la vie urbaine
La station Marie de Téhéran n’est pas une simple réussite architecturale ; elle est un manifeste silencieux pour la coexistence pacifique des croyances. Dans un monde souvent marqué par la méfiance religieuse, ce lieu rappelle qu’en Iran – terre de multiples confessions – l’harmonie reste possible.

Chaque jour, des centaines de passagers y passent sans forcément s’arrêter, mais beaucoup y ressentent, ne serait-ce qu’un instant, une paix inhabituelle. L’art, la foi et le respect mutuel s’y conjuguent pour offrir un visage humaniste du Téhéran contemporain.

À travers cette station, la capitale iranienne célèbre non seulement la mémoire de Marie, figure aimée du Coran et de l’Évangile, mais aussi l’esprit d’un dialogue millénaire entre islam et christianisme. Dans le vacarme du métro, la station Marie demeure une halte de lumière, où la modernité et la foi se rejoignent pour rappeler que la beauté – lorsqu’elle s’enracine dans le sacré – peut encore unir les cœurs.

Par Sara Hamidi

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