Financement des mosquées, première question de l'islam de France

8:34 - July 07, 2018
Code de l'info: 3466659
Au coeur du chantier de "l'islam de France" demeure la question épineuse des financements, de leur transparence et de leur indépendance vis-à-vis de l'étranger: les acteurs du dossier peaufinent des propositions concurrentes, dans l'attente des annonces de l'exécutif.

L'argent, nerf de la guerre de "l'islam de France"
Dans son édition datée de vendredi, Le Monde fait état d'"une note qui pourrait inspirer" le président Emmanuel Macron, que lui a présentée fin mars le consultant Hakim El Karoui et qui vise à créer une Association musulmane pour l'islam de France (Amif).


Cette structure "serait chargée de collecter suffisamment de fonds pour pouvoir financer le salaire et la formation des imams, la construction et l'entretien des lieux de culte, un travail théologique et des actions de lutte contre l'islamophobie et l'antisémitisme", développe le journal.


L'idée n'est pas neuve: l'ancien conseiller de Jean-Pierre Raffarin à Matignon avait déjà émis la proposition de cette Amif dans son rapport publié en septembre 2016 par l'Institut Montaigne, un think tank libéral, puis l'avait développée dans son livre "L'islam, une religion française", sorti en janvier dernier chez Gallimard.


Si cet ancien directeur à la banque Rothschild est réputé avoir l'oreille d'Emmanuel Macron, il n'est pas le seul "visiteur du soir" à l'Elysée. Et le président a décidé de se donner du temps sur ce dossier sensible dans un pays marqué par la séparation des cultes et de l'Etat depuis 1905: après avoir laissé entendre qu'il poserait au premier semestre "les jalons de toute l'organisation" de la deuxième religion de France, forte de près de six millions de fidèles et quelque 2.500 lieux de culte, il ne devrait pas s'exprimer sur ce sujet avant l'automne.


Auparavant, jusqu'à la mi-septembre, les préfets auront décliné des "assises territoriales de l'islam de France" dans chaque département, autour d'"acteurs de terrain" et de nouvelles figures musulmanes - des femmes et des jeunes notamment - pour faire émerger des propositions inédites.


La réflexion pourrait "porter sur le choix de l'échelle la plus pertinente, aux yeux des acteurs locaux, pour organiser des structures mutualisées de financement: départementale, régionale ou nationale", a indiqué le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, dans une circulaire aux préfets.


- "Fantasme capitalistique" -
C'est d'ailleurs l'une des propositions de l'Union des mosquées de France (UMF), réputée très proche du Palais royal marocain, et qui revendique sous sa tutelle 700 lieux de culte. "Notre idée est de privilégier le cadre départemental car on y a plus de facilités à s'entendre et cela permet une gestion des dossiers plus fluide", soulignait fin mai le président de l'UMF, Mohammed Moussaoui.


A contrario, Hakim El Karoui, dont les origines sont franco-tunisiennes, veut "sortir enfin" l'islam en France "de la tutelle des Etats étrangers" (Algérie, Maroc et Turquie principalement) et "centraliser sa gestion afin de la rendre plus lisible". Une "nouvelle génération" de musulmans, soulignait ce quadragénaire dans son rapport, aura "une double mission": faire converger "les flux financiers liés à l'exercice de la religion et organiser l'emploi efficace et transparent de ces ressources".


Selon la note révélée par Le Monde, l'ancien banquier a fait ses comptes: moyennant une redevance sur les ventes de viande halal de 30 centimes par kg, une collecte auprès des agences organisant les pèlerinages à La Mecque (hajj et omra) et la réception de dons des fidèles, une centaine de millions d'euros pourraient entrer annuellement dans les caisses de l'Amif.


Mais le Conseil français du culte musulman (CFCM), instance critiquée pour son manque d'efficacité mais élue par les mosquées et considérée comme représentative par les pouvoirs publics, n'entend pas se laisser dépouiller de ce qu'il pense relever de ses prérogatives. 


"Certains essaient de profiter de nos faiblesses institutionnelles pour se faire du business. Nous, nous ne sommes pas dans le fantasme capitalistique", cingle auprès de l'AFP le président du CFCM, Ahmet Ogras, par ailleurs gérant d'une agence de voyages organisant des pèlerinages.


Ce dirigeant lié à la Turquie assure que le CFCM est au travail: pour preuve, assure-t-il, l'instance, rejointe par l'UMF et le mouvement Musulmans de France (ex-UOIF), doit entériner samedi les statuts d'une association cultuelle nationale de financement, après 18 mois de tergiversations.

actu.orange

captcha