Telle est la question qui taraude des érudits musulmans de l’autre côté de la Manche, alors que la société Tiana, basée à Manchester, s’apprête à commercialiser à l’échelle nationale un produit unique au monde, quasi révolutionnaire, dont elle garde jalousement la recette : la première gamme d’aliments 100% certifiée Halal, destinée exclusivement à nos amis félins, à base de poulet, de poisson et de chèvre.
Si Pankaj Hurrai, le fondateur de l’enseigne, se frotte déjà les mains à la perspective de combler un manque dans une niche économique qui s’annonce particulièrement juteuse, à l’aune des 500 000 propriétaires musulmans de chats qu’il a dénombrés dans le royaume, plusieurs hauts dignitaires religieux, eux, s’interrogent sur la nécessité d’halaliser le contenu des gamelles.
A quelles sources scripturaires puise donc le patron de Tiana pour affirmer, notamment sur le site internet de l’entreprise, que tout bon musulman qui se respecte, soucieux de choyer son chat, le nourrira uniquement avec des croquettes ou pâtés halal ? C’est ce que cherchent en vain à élucider Cheikh Ibrahim Mogra, l’imam de Leicester, et le Dr Usama Hasan, un islamologue très en vue.
« C’est bizarre, c’est la première fois que j’entends parler de cela. À ma connaissance, il n’existe pas de prescription coranique enjoignant de nourrir les animaux de compagnie avec de la nourriture halal », a réagi le premier, manifestement dubitatif, pendant que le deuxième s’étonnait : « Cela peut être une préférence des propriétaires d’animaux. Moi-même, je connais certains musulmans qui veillent à nourrir leur chat de manière licite, conformément à la norme alimentaire religieuse qu’ils respectent eux-mêmes. Pourtant, il n’y a aucune exigence islamique en la matière ».
Il a conclu son propos en faisant judicieusement observer : « En tout cas, cela pourrait représenter un business très lucratif pour l’entreprise qui en est à l’origine ».
Tandis que Pankaj Hurrai se réjouit à l’idée que nombre de chats du royaume, de toutes races et de tous âges, se lécheront bientôt les babines après avoir mangé Halal, vantant la richesse protéinique de la nourriture concoctée en concertation avec des vétérinaires, des savants musulmans sont en proie à la plus grande perplexité.
Ils n’en ont d’ailleurs pas fait mystère devant les médias britanniques, eux-mêmes intrigués, à l’heure où la première gamme d’aliments Halal pour chats s’expose déjà en tête de gondole dans différents points de vente du comté du Grand Manchester.