Pourquoi les talibans doivent se méfier des abus américains en Afghanistan ?
L’image de centaines de travailleurs afghans pourchassant des avions cargos américains ou suspendus à leurs ailes et à leurs roues, et la mort de certains d'entre eux, sont des preuves évidentes de la trahison et de la grande défaite américaines, de la fin du rôle de police des Usa dans le monde, de la perte de la réputation des Etats-Unis et du début de leur effondrement en tant que superpuissance.
L'expérience de l'Afghanistan sera incluse dans les manuels d'histoire et les programmes de sciences politiques des universités comme un exemple de lutte contre l'arrogance, résultant d'erreurs de jugement, des humiliations des occupants, et de leur volonté d’imposer leur culture, en usant de la force et des outils de nettoyage intellectuel, pour tromper une société et créer des valeurs contraires à la religion.
L'effondrement du gouvernement dirigé par les États-Unis en Afghanistan, la paralysie de plus de 300 000 soldats américains, et le président déchu fuyant aux Émirats arabes unis avec des valises pleines de dollars, sont les signes de l'échec de la guerre et des interventions militaires américaines dans le monde. Les États-Unis ont dépensé 2000 milliards de dollars en Afghanistan en 20 ans, et perdu 2500 soldats. L'attaque américaine a peut-être réussi à démanteler al-Qaïda et à assassiner son chef, mais elle a aussi uni près de 40 millions d'Afghans dans la haine des États-Unis et de l'Occident, et contribué au rétablissement du mouvement taliban. Les milliers de milliards dépensés par les gouvernements successifs aux États-Unis, sont allés dans les poches des marchands d'armes, des sociétés de sécurité américaines et des Afghans corrompus ou soumis aux maîtres américains, au lieu de construire des universités, des écoles, des hôpitaux, des routes et des usines.
Nous ne parlerons pas de l'avenir de l'Afghanistan et des développements dans les mois et les années à venir, parce qu'il y a encore un épais brouillard et de nombreuses ambiguïtés, et les inquiétudes concernant le rôle futur des talibans dans la région, ne sont pas inconnues.
Le groupe sunnite taliban peut devenir un outil américain pour intensifier le siège contre l'Iran et éventuellement une base pour des opérations de sabotage en Iran et des attaques contre la minorité chiite d’Herat et de Mazar-e-Sharif dans le nord de l'Afghanistan, aux frontières de l'Iran.
Les États-Unis pourraient utiliser les talibans pour mener une guerre djihadiste contre la Chine, pour sauver les Ouïghours, les tribus turques musulmanes du Xinjiang ou du Turkestan oriental, de la répression du gouvernement chinois comme l’ont fait les djihadistes islamistes, il y a 50 ans, avec l'argent de l'Arabie saoudite et des pays arabes du Golfe persique, pour vaincre l'ex-Union soviétique.
Les anciennes républiques musulmanes soviétiques du nord, qui constituent toujours la barrière la plus solide de la Russie contre l'islam djihadiste et les groupes islamistes extrémistes affiliés aux minorités islamiques de Russie, le Tadjikistan, l'Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kirghizistan et d'autres pays limitrophes de l'Afghanistan, pourraient être déstabilisées. Cela a suscité des inquiétudes chez le président russe, Vladimir Poutine, qui a mené un exercice militaire avec l'armée tadjike, il y a quelques semaines, anticipant tout événement inattendu en Afghanistan, qui nuirait à son pays.
L'augmentation de la production de cocaïne et d'héroïne, et le transfert vers les pays arabes du Golfe Persique et l'Europe, peut devenir une importante source de revenus pour le nouveau gouvernement afghan.
Il est trop tôt pour spéculer sur la politique des talibans et la manière de répondre à ces préoccupations, mais à en juger par leurs apparences, on peut dire que le mouvement taliban dans sa nouvelle version, comprend ces préoccupations, d'autant plus que l'Iran et la Russie comme les talibans, étaient opposés à l'occupation américaine de l'Afghanistan. Les talibans ont d’ailleurs envoyé des délégations à Moscou, Téhéran et Pékin, pour rassurer les gouvernements que l'Afghanistan ne deviendra pas une base de déstabilisation pour ces pays. Dans le cas des stupéfiants, le premier gouvernement taliban, selon les Nations Unies, avait réduit leur production, en Afghanistan, de plus de 80%.
Les États-Unis ne sont plus capables de changer le régime et de vaincre militairement leurs opposants, et toutes leurs expériences dans ce domaine, ont échoué et ont cédé la place au chaos et à un pays en faillite. Les États-Unis ont également perdu la confiance de nombre de leurs alliés, notamment au Moyen-Orient, et leur crédibilité, au profit de coalitions émergentes dirigées par la Chine et la Russie, dans la région et dans le monde ».
