L’Amérique n’a plus la force d’entreprendre des guerres impériales dans le monde 

9:23 - September 16, 2021
Code de l'info: 3478024
Téhéran(IQNA)-« L’Amérique n’est plus l’Amérique. Endetté à l'extrême, c’est un empire qui est en train de s’écrouler. L’Amérique n’a point la force, l’argent, l’énergie, la volonté et la morale d’entreprendre des guerres impériales à travers le monde entier. Elle rentre chez elle avec sa queue entre ses pattes ».

Après le retrait inattendu des Etats-Unis de l’Afghanistan et la reprise du pouvoir par les Taliban, il semble que La donne change dans la région de l’Asie de l’Ouest et du Moyen-Orient. L’Agence Internationale de Presse Coranique (IQNA) a interviewé M. le docteur John Andrew Morrow pour élucider la situation et parler des répercussions de l’arrivée au pouvoir de ce groupe sur la région.

On dit souvent que les Talibans d’aujourd’hui sont différents de ceux qui régnaient en Afghanistan avant le 11 septembre 2001. Quelles sont ces différences à votre avis ?

Un Taliban est un Taliban. Un tigre ne peut pas changer ses taches. Il peut apprendre des choses, comme sauter à travers un anneau de feu, mais il restera toujours une bête sauvage, féroce et dangereuse. Et ce tigre, s’il apprend des choses, c’est car un entraîneur le menace avec un coup de fouet s’il n’obéit pas et le récompense avec des gourmandises s’il obéit. La question se pose : qui est le maître historique des Talibans ? La réponse est évidente : c’est la CIA ainsi que son partenaire Pakistanais : le ISI.

Quelles sont les causes de l’arrivée au pouvoir des Taliban ?

Les communistes russes ont envahi l’Afghanistan. Ils voulaient profiter des ressources du pays et rêvaient d’avoir accès à la Mer d’Oman et l’Océan Indien si le Pakistan tombait sous l’influence soviétique ou au Golfe Persique si l’Iran succombait aux Soviets. Armés et entraînés par les Américains, et leurs alliés, les Pakistanais et les Arabes du Golfe Persique, les moudjahidines ont vaincu les Russes. Au lieu de s’unir pour gouverner, chaque chef tribal guerrier voulait le contrôle et le pouvoir absolu. Ainsi se déclencha une guerre civile sanglante. Évidemment, ce manque de stabilité n’était pas bon pour les intérêts des Américains. Si les Américains ne pouvaient plus contrôler les faunes qu’ils avaient essayé de dresser, ils décidèrent de se dévouer à une nouvelle bête, les Talibans, issu de la majorité ethnique du pays, les Pachtounes. Cette créature était même plus extrême que les moudjahidines et finit par prendre le pouvoir. Hélas, l’histoire se répète car les chiens d’attaque sont difficiles à contrôler.

Après avoir pris le pouvoir, les Talibans ne voulaient plus obéir à leurs maîtres : pas de concession de gaz, pas de pipelines et, éventuellement, pas de Ben Laden pour les Américains. C’est donc la guerre encore. Même si les payeurs d’impôts américains ont perdu des milliards, l’industrie des armes et les marionnettes afghanes à qui les Américains ont confié l’administration du pays ont fait fortune. Le secteur privé, et les politiciens corrompus, on profiter de vingt ans de guerre. Après tout, selon les capitalistes, « war is business and business is good. » Mais l’Amérique n’est plus l’Amérique. Endetté à l'extrême, c’est un empire qui est en train de s’écrouler. L’Amérique n’a point la force, l’argent, l’énergie, la volonté et la morale d’entreprendre des guerres impériales à travers le monde entier. Elle rentre chez elle avec sa queue entre ses pattes.

Les Afghans ne sont pas pro-Talibans. Selon les sondages de la Asia Foundation, 85% des Afghans n’ont aucune sympathie pour eux. En fait, 95% des Afghans sont terrifiés par les Talibans. Ce n’est pas un mandat populaire pour gouverner. S’ils ne les ont pas combattus, c’est qu’ils ont marre de décennies de guerres interminables. La seule chose qu’ils souhaitent c’est un peu de paix. Ils veulent vivre. Ils veulent respirer. Faire affaire avec un mauvais acteur, c’est une chose. Chanter la louange des Talibans, et les décrire comme « brillants » et « mures », comme le font certaines publications comme Crescent International, c’est absolument honteux. Les Talibans ne représentent pas les valeurs de la majorité des Afghans.

A votre avis, il y a eu un accord entre les Etats-Unis et les Talibans pour leur remettre l’Afghanistan ? Quel est l’objectif américain de retirer ses troupes du pays ?

C’était idiot d’envahir l’Afghanistan. L’histoire est notre meilleur enseignant. Les Britanniques ont échoué. Les Russes ont échoué. Il était prévu que les Américains allaient échouer également. Après deux décennies de mensonges, selon lesquelles les soldats américains et afghans faisaient des progrès contre les Talibans, le gouvernement des Etats-Unis a finalement fait face à la réalité. Leur sortie, une fuite mal planifiée et mal exécutée, était inepte, incompétente, et honteuse à échelle internationale. Il ne faut jamais croire que les Britanniques ont complètement quitté l’empire qu’ils ont abandonné. Au contraire, ils ont décidé qu’il était moins cher, et plus économique, d’utiliser des services d’intelligence et des groupes paramilitaires pour défendre leurs intérêts dans le monde. La manière forte a cédé, en parti, à la manière douce et aux méthodes clandestines. Les Britanniques sont allés de presque un million de soldats durant l’époque coloniale à deux cent mille à notre époque. En revanche, ils ont augmenté leurs espions. A l’instant, ils emploient environ dix mille. En estime, cependant, qu’il y a plus de vingt mille agents qui travaillent pour la CIA et il y a trente à quarante mille qui travaillent pour la NSA.

Aéroport de Kaboul : les forces américaines ouvrent le feu… au moins 5 morts

Si les Américains ont créé, armé, et entraîné les Talibans pour renverser les Moudjahidines, ils contrôlaient les ficelles. Même après que les Talibans sont devenus des ennemis de l’armée américaine, il y avait toujours des chefs guerriers qui avaient des liens de communication avec les services secrets américains. Ça semble fou mais c’est normal. Le FBI combat les narcotrafiquants pendant que la CIA les courtise et les infiltre. Le politicien le plus sage est celui qui joue toutes les cartes ! William J. Burns, le chef de la CIA, connaît Abdul Ghani Baradar, le chef des Talibans depuis très longtemps. Détenu par la CIA il y a onze ans, la même agence l’a libéré après huit ans de prison. Il s’est montré utile. C’est la CIA qui a négocié le transfert du pouvoir du gouvernement marionnette de Ashraf Ghani aux Talibans.

Incompétent et corrompu à l’extrême, même les Américains en avaient marre du gouvernent de Kaboul. De la même façon qu’ils ont utilisé les Moudjahidines contre les Russes, les Talibans contre les Moudjahidines, et les forces afghanes pro-américaines contre les Talibans, les Américains ont décidé de changer de camp, cette fois en prenant le côté des Talibans pour bouleverser le régime du gouvernement Afghan « démocratique » que les Américains eux même avaient installé à des coûts exorbitants de 2,3 mille milliards de dollars, et au coût de la vie de 2,448 soldats américains, 3,846 soldats privés, 66,000 soldats et policier afghans, 1,114 soldats alliés, 47,245 civiles afghan, et 51,191 guerriers des Talibans et d’autres groupes militants. Il est fort probable que les chiffres soient plus élevés.

Voilà la géopolitique ! L’ennemi d' hier et l’ami d’aujourd’hui. Il n’y a point de principes : simplement les intérêts du moment. C’est la réalité qui opère : non la fantaisie. Si les Talibans ont le pouvoir, il faut leur faire face, qu’on les aime ou on ne les aime pas. Mais, dans toutes négociations et toutes relations, on doit imposer des conditions : droits de l’homme, droits de la femme, droit à l’éducation, point de punition barbare, pas de persécution religieuse ou ethnique, et non aux narcotrafiquants qui empoisonnent le monde.

Quels sont les défis auxquels doivent faire face les Talibans dans la gestion de l’Afghanistan ?

Les Talibans ont mûri mais une hyène âgée reste quand même une hyène. Le nouveau « makeover » des Talibans n’inspire pas de confiance. Leur « remise à neuf » n’est qu’une campagne de relations publiques. Nous avons vu la même chose avec les extrémistes d’ailleurs. Ils portent des habits et donnent des postes aux femmes, en simple mesure symbolique. Donnez-leur le pouvoir et vous allez voir. Ils vont montrer leurs vraies couleurs. Ce sont des loups qui portent des peaux de brebis. Leurs propos sont comme des paroles dans le vent : choses auxquelles on s’engage mais qu’on n'exécute jamais ; des promesses qui ne seront pas tenues.

Taliban : "Nous ne visons pas à prendre le pouvoir en Afghanistan par la  force des armes"

En occident, les islamistes se lient d’amitié avec les libéraux et embrasent même le « wokisme » un ultra-libéralisme fanatique, extrémiste, violent, et intolérant, qui agit de façon fasciste et totalitaire. Ils peuvent prêcher les « droits de l’homme (et des femmes) », défendre les transsexuels, et se présenter comme des « musulmans modérés » tout ce qu’ils veulent mais ça ne cesse d’être que du maquillage et des costumes.

Les pouvoirs mondiaux ne tolèrent pas l’indépendance. Pour eux, c’est outrageux ! Pas questions d’états nationaux souverains. Selon eux, le monde leur appartient. Qui aura donc ce morceau de tarte ? Qui va profiter des ressources naturelles considérables de l’Afghanistan et de sa situation stratégique ? Ça reste à voir. Nous ne sommes point prophètes. Nous ne connaissons pas l’avenir.

Quelles sont les conséquences de l’arrivée au pouvoir des Taliban pour la région et les pays voisins ?

La paix est meilleure que la guerre et l’instabilité. Une occasion se présente. La question se pose : est-ce-que la paix va régner ? Et peut-il y avoir de la paix sans justice sociale et économique ? Il y a trop de mains dans le pot : les Américains, les Russes, les Pakistanais, les Chinois, et les Arabes du Golfe Persique. En plus, il y a les intérêts privés, les milliardaires globalistes qui agissent en alliance et en opposition aux pouvoirs politiques et les états nationaux.

L’influence russe en Afghanistan sera favorable aux intérêts iraniens et syriens. L’influence chinoise aussi. De plus en plus, le Moyen Orient et l’Asie formeront partie d’un bloc Euro-Asiatique dominé par la Russie et la Chine. Ayant aliéné les Européens, l’Amérique se bat en retraite de plus en plus. Ce sont des mauvaises nouvelles pour Israël et les pays arabes sous la tutelle des Américains.

Si les Talibans ont des cerveaux humains, et pas simplement des instincts d’animaux, et peuvent mettre de côté leur intolérance anti-chiite, il serait avantageux pour eux de faire une alliance avec les Iraniens. Cette unité sunnite-chiite serait un succès inusité qui pourrait inspirer une partie du monde musulman. L’Iran pourrait aider à modérer la politique interne et externe des Talibans. Ils ne changeront peut-être pas de cœur mais, au fond, ce sont les actions qui comptent.

Il est possible, cependant, que les Américains veulent transformer l’Afghanistan en contrefort pour contraindre l’influence iranienne. Avec très peu d'efforts de la part des ennemis de l’humanité, le pays peut sombrer dans la guerre civile et sanglante. Avec tellement de groupes ethniques et de sectes religieuses différentes, c’est un véritable pot de poudre à canon. Le scénario le plus sinistre serait une guerre entre l’Afghanistan et l’Iran qui pourrait entraîner les pays avoisinants, certaines desquelles sont des puissances nucléaires. Ça serait la catastrophe et le cataclysme. Soyons attentifs, vigilants, et astucieux. Il est plus probable que l’Occident souhaite faire mijoter le monde musulman à petit feu et le porter à faible ébullition. Selon leur stratagème, si on ne peut pas contrôler un pays, on doit le déstabiliser. Comme cela, on limite la compétition. Si l’Amérique et l’Europe ne tirent pas de bénéfices de l’Afghanistan, ils veulent empêcher que les autres le fassent. Que Dieu nous garde et que notre politique ne manque jamais d’éthique.

John Andrew Morrow a complété son doctorat à l’Université de Toronto. Il est l’auteur de nombreux livres. Il est un chercheur et analyste Canadien et Américain à la tête de la Fondation des Pactes du Prophète. Il a conseillé les administrations de Trump et Obama, l’Organisation de la coopération islamique, la République Islamique d’Iran, la Turquie, le Pakistan, le Bahreïn, le Canada, la France, la Belgique, le Pays Bays, le Royaume Unis, et des douzaines d’autres pays. Ses sites web incluent : www.johnandrewmorrow.com et www.covenantsoftheprophet.org

Par Parvaneh Salehi

captcha