Conférence internationale sur l’avenir de l’humanité et les enjeux de la philosophie contemporaine

20:43 - November 24, 2025
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IQNA-À l’occasion de la Journée mondiale de la philosophie, l’Université de Tabriz et le Conseil culturel iranien en Autriche ont organisé la conférence internationale « L’avenir du monde et les questions philosophiques contemporaines » à Vienne et en ligne le 29 novembre.

Cette rencontre a réuni des penseurs de renommée mondiale pour discuter des défis fondamentaux de l’humanité et de la nécessité de la philosophie face aux crises environnementales, technologiques et sociétales.

Les organisateurs ont souligné que les articles présentés seront publiés l’an prochain dans la revue Recherches philosophiques.

Les intervenants ont insisté sur le rôle essentiel de la philosophie non seulement comme discipline académique, mais comme bouclier ultime pour préserver l’humanité et le sens de l’existence humaine.

La philosophie, bouclier de l’humanité

Slavoj Žižek, philosophe slovène, a ouvert la conférence avec sa réflexion intitulée « Aujourd’hui, pour survivre en tant qu’humain, nous avons besoin de la philosophie ». S’appuyant sur Alain Badiou, il a rappelé que la mission historique de la philosophie, depuis Socrate, consiste à « aliéner l’homme face à l’ordre dominant », c’est-à-dire révéler les mécanismes qui donnent l’illusion de la liberté alors que l’individu est enfermé dans un laboratoire de contrôle invisible.

Žižek a averti que la forme la plus dangereuse d’aliénation est celle où l’homme se croit libre tout en étant dominé par des structures idéologiques. Il a souligné la perte de sens des concepts tels que liberté, égalité, droits humains, justice et solidarité, réduits à des clichés vides.

Enfin, il a insisté sur la nécessité de réactiver la « question socratique » pour comprendre l’humain, la pensée et la liberté, et a mis en garde contre la réduction de la justice aux intérêts des puissants.


Ramener la philosophie au cœur de la vie

Le philosophe écossais Frank Ruda a appelé à un engagement courageux face aux fondements de l’existence humaine et aux complexités du monde contemporain.

Il a rappelé les tragédies du XXᵉ siècle et le manque de substituts politiques efficaces face au capitalisme global, soulignant que l’humanité a aujourd’hui besoin d’un courage permettant de faire face à l’angoisse existentielle.

Selon lui, cette « peur sans objet » distingue l’angoisse du simple sentiment de peur quotidienne, car elle confronte l’individu à l’absence de sens et à l’incertitude fondamentale de l’existence.

Ruda a insisté sur l’importance de la « bravoure philosophique » : seule la philosophie peut fournir la force intellectuelle pour affronter l’angoisse, préservant ainsi liberté, créativité et sens de l’humain dans un monde complexe et incertain.

Philosophie de la science et rationalité critique

Le philosophe australien Jeremy Shirmor a exploré les enseignements de la philosophie des sciences et la critique des approches analytiques.

S’inspirant de Karl Popper, il a rappelé que l’humanité est confrontée à des contradictions entre attentes et réalités objectives, et que la recherche de vérité implique inévitablement des erreurs.

Les expériences personnelles et la certitude subjective ne suffisent pas : il est crucial de soumettre les affirmations à un examen critique et à l’épreuve de la communauté.

Shirmor a insisté sur le fait que la philosophie ne doit pas se limiter à l’analyse de « données neutres » mais doit reconnaître ses limites et accepter la révision constante. Elle joue ainsi un rôle fondamental dans la direction de la science et la compréhension du monde.

Les enjeux sociaux de l’intelligence artificielle

Donald Gilles, philosophe anglais des sciences et technologies, a examiné l’impact de la révolution de l’intelligence artificielle depuis 2012 jusqu’à l’émergence de ChatGPT en 2022. Il a mis en lumière les implications éthiques et sociales de l’IA, notamment dans les secteurs industriels et publicitaires.

Gilles a souligné que la philosophie de l’IA ne peut être complète sans évaluation morale de ses applications et de la collecte de données personnelles.

Il a appelé à une réflexion approfondie sur les responsabilités technologiques et la régulation éthique afin d’éviter que l’IA ne compromette la liberté humaine, la confidentialité et le bien-être social. Sa présentation a ouvert un débat crucial sur la place de l’homme face à une technologie omniprésente.

Dialogue entre philosophie orientale et occidentale

Mohammad Asghari, professeur de philosophie à l’Université de Tabriz, a mis en avant l’importance du dialogue entre philosophies orientale et occidentale.

Selon lui, la philosophie orientale, fondée sur l’intuition, la spiritualité et l’expérience mystique, et la philosophie occidentale, basée sur la raison et l’expérimentation, sont complémentaires.

Dans le monde actuel, ce dialogue est indispensable pour analyser les questions globales de manière holistique et interdisciplinaire. Asghari a conclu en soulignant qu’aucun penseur ne détient seul la vérité complète : seule la coopération philosophique peut conduire à un futur humain et significatif.

L’intelligence artificielle, facteur déterminant de l’avenir humain

Le Dr Reza Gholami, membre du Conseil culturel iranien en Autriche, a critiqué l’isolement académique de la philosophie contemporaine.

Il a affirmé que la philosophie ne peut rester spectatrice et doit intervenir dans la société pour guider l’humanité face aux crises futures. Gholami a décrit l’IA comme un « facteur déterminant dans le destin humain », capable d’affaiblir la créativité et la capacité d’analyse.

Il a mis en garde contre la menace du chômage massif et l’impact des algorithmes sur la culture et la créativité. Selon lui, les sciences seules ne peuvent répondre aux questions fondamentales : « Que devons-nous faire ? » et « Qu’est-ce qui est juste ? ». Sans philosophie, les sciences humaines deviennent des « outils vides ».

Défense de la dignité humaine face au numérique

Robert Hanna, philosophe canadien, a abordé les défis fondamentaux posés par l’intelligence artificielle et le numérique depuis Vancouver Island.

Il a insisté sur le fait qu’aucun système digital, même le plus avancé, ne peut égaler ou surpasser les capacités humaines de raisonnement et d’expérience concrète.

Hanna a appelé la philosophie à être pionnière dans la protection de la dignité humaine, en informant la société et en guidant le développement technologique pour éviter que l’homme ne devienne un simple outil dépendant.

La numérisation comme transformation culturelle

Le philosophe autrichien Thomas Bauer a proposé une lecture critique de la numérisation, qu’il a décrite comme une « reconstruction culturelle complète de la réalité ».

Selon lui, le numérique ne transforme pas seulement les outils, mais aussi la perception du temps, de l’identité, de la confiance et de la vérité.

S’inspirant de Dirk Baecker, Bauer a rappelé que les médias numériques ne sont plus de simples canaux de communication, mais le langage de la société.

Il a proposé trois critères pour un numérique significatif : utilité, éthique et esthétique, soulignant que ces dimensions doivent coexister pour que le numérique devienne une opportunité de réflexion sur la coexistence humaine.

Démocratie et care comme alternatives

Maurice Hemington, philosophe américain, a présenté l’idée d’une « démocratie centrée sur le care » face à la montée de l’autoritarisme dans le monde.

S’appuyant sur le rapport V-Dem 2024, il a souligné que 72 % de la population mondiale vit sous des régimes autoritaires. Hemington a proposé que la prise en charge et le soin deviennent le principe premier et non négociable du contrat social, offrant un « populisme bienveillant » capable de rassembler même les opposants politiques.

Pour lui, le rôle du philosophe n’est pas seulement de résister, mais d’offrir de l’espoir et des solutions concrètes pour un monde plus humain.

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