Comment voulez-vous qu’on s’aime si on ne se connaît pas ? » En une formule, cette participante au 40e anniversaire du groupe dijonnais de dialogue et d’amitié entre chrétiens et musulmans a parfaitement résumé l’intérêt de la démarche.
Chaque année, le groupe se rassemble en plusieurs occasions : soirées-débats, conférences publiques, journée de jeûne lors du ramadan, et chaque début mai à l’occasion d’un « voyage collectif afin de visiter les lieux de cultes chrétiens et musulmans dans une ville proche ou lointaine ».
Cette année, la destination choisie était tout simplement… Dijon, pour revenir aux sources. Car c’est notamment ici, à la paroisse Saint-Pierre, toute proche de la place Wilson, que cette amitié a débuté. Un petit groupe de musulmans cherchait alors un endroit pour prier et ils se sont tournés vers « leurs frères de cœur chrétiens ».
Il vend sa voiture pour faire un don à la mosquée
« La paroisse Saint-Pierre nous a ouvert une salle que nous avons pu adapter à nos besoins », raconte aujourd’hui Mouaz Jaghlit, Palestinien arrivé en France et à Dijon en 1969. « C’est là que nous avons pu nous retrouver, pour vivre notre religion, mais aussi envisager la création d’une mosquée. » Ce sera la mosquée El Kheir (“la mosquée du bien” en arabe), bâtie rue Charles-Dumont en 1985, soit une dizaine d’années après la naissance du groupe de dialogue et d’amitié. « Je me souviens que le premier don que nous avons reçu pour construire cette mosquée venait d’un catholique qui avait vendu sa voiture pour pouvoir nous donner 600 francs », poursuit Mouaz Jaghlit.
Depuis, cette solidarité continue d’exister et se concrétise chaque année par les rencontres du groupe de dialogue. Ce samedi, la journée anniversaire a ainsi débuté à l’église Saint-Pierre avant de se poursuivre à la mosquée. Dans chacun des lieux, chrétiens et musulmans se sont ainsi mêlés, avec respect et attention, les uns aux autres. C’est plus qu’un symbole, surtout dans le contexte actuel. « Cette année, ce rassemblement se fait à Dijon et prend une signification particulière, à un moment où l’action criminelle de certains cherche à activer un soi-disant conflit de civilisations et où d’autres ne pensent qu’à aggraver les fractures de notre société par la stigmatisation des musulmans, voire des croyants en général », écrivent ainsi dans un texte commun Étienne Gille, animateur du groupe de dialogue, et Mostafa Kerkri, président du Conseil régional du culte musulman.
« Mieux vivre ensemble »
Le flambeau semble être repris par la jeune génération comme ce couple qui participait ce samedi pour la troisième fois au groupe de dialogue. « C’est un engagement, surtout depuis les événements de Charlie Hebdo », explique la jeune femme. « D’autant que je suis musulmane convertie et que ma grand-mère était catholique membre de ce groupe. Il est vrai qu’en tant que musulmans nous avons encore à souffrir de regards ou de remarques déplacés surtout quand on est une femme. Mais c’est par ces initiatives que nous continuerons à mieux nous connaître entre religions et ainsi mieux vivre ensemble. »
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