
C'est l'une des premières stylistes à avoir ouvert sa boutique de mode pudique à Bruxelles. "Je me suis lancée parce qu'il y avait une très forte demande. Les femmes musulmanes veulent des vêtements à la fois modernes, élégants, et compatibles avec les critères islamiques", explique-t-elle.
Mais quels sont ces critères ? "Des vêtements ni moulants, ni transparents, ni trop courts. Mais à part ça, je fais ce que je veux" sourit la styliste. Pas question pour elle de créer des tenues sombres et austères. "Toutes les couleurs sont permises. J'aime jouer sur la variété des tons et l'originalité des coupes". Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la clientèle de Naïma n'est pas que musulmane. "Beaucoup de femmes sont en demande de pièces plus amples que ce que l'on propose dans les grandes enseignes de mode. Elles veulent, avant tout, être à l'aise dans leurs vêtements. Et pour cela, pas besoin d'être musulmane".
Un marché très lucratifNaïma nous livre qu'au début, elle craignait que le monde de la mode ne soit fermé aux femmes voilées. Pourtant, elle a réussi à faire sa place. Des mannequins défilent avec ses collections depuis déjà bon nombre d'années. Ainsi, elle a été une pionnière de la mode pudique. Une tendance qui, aujourd'hui, prend de l'ampleur.
A Bruxelles, les boutiques de "modest wear" se multiplient. Sur la toile, les sites et blogs de "hijabistas" (fashionistas voilées) foisonnent. C'est que la mode islamique, c'est aussi un créneau très lucratif. Et les grandes marques l'ont bien compris. Le marché est évalué à 484 milliards d'euros d'ici 2019, selon l'agence Reuters. Des enseignes comme Dolce & Gabbana, Marks & Spencer ou Uniqlo ont récemment lancé leur ligne de vêtements "muslim friendly".
"Ces collections connaissent un grand succès dans les pays du Golfe. Il y a non seulement un marché, une demande et un pouvoir d'achat important dans ces régions", explique Didier Vervaeren, expert mode.
Naïma confirme : "Pour ces marques, c'est avant tout un business". Un business fortement critiqué par les détracteurs de la mode islamique, qui y voient une forme de soumission. Pour la directrice de l'Atelier Lanneaux, école de stylisme à Bruxelles, la mode pudique va à l'encontre de l'essence émancipatrice de la mode féminine.
Didier Vervaeren ne partage pas cette opinion. "La jeune génération prouve qu'on peut être voilée et fashion. La mode des vêtements pudiques, elle est logique, elle est normale, elle s'inscrit dans l'air du temps. La mode n'est pas un carcan qui existe en soi. Elle est influencée par la vie en société, par le patrimoine culturel. Et dans le cas des femmes musulmanes, c'est un moyen de montrer qu'islam et modernité sont tout à fait compatibles", argue-t-il.
Ce qui est sûr, c'est que la demande est bien présente et que par conséquent, l'offre continuera à se positionner sur ce créneau. Même si le débat continue de déchaîner les passions.
rtbf