La majorité des Français « sans religion » !

11:56 - June 03, 2023
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Pour la première fois, la majorité de la population française se déclare « sans religion », selon une étude que viennent de réaliser conjointement l’Insee et l’Ined. 

La Basilique du Sacré-Cœur de ParisParmi les croyants, les catholiques restent les plus nombreux mais ils ne rassemblent plus que 25 % de la population. Une évolution puissante dont on n’a pas fini d’explorer les causes ni de mesurer les conséquences.

Publié fin mars dans le tohu-bohu des débats autour de la réforme des retraites, le document de l’Institut national de la statistique (Insee) est passé inaperçu. Il n’est pourtant pas anodin. Il nous apprend que, pour la première fois, la majorité de la population française se déclare sans religion. L’enquête, robuste, a été menée auprès de 27 000 personnes en 2019 et 2020 (1).

Une enquête analogue avait été conduite en 2008-2009. La proportion de 18-49 ans se déclarant « sans religion » était alors de 45 %. Elle est aujourd’hui, pour la même tranche d’âge, de 53 % (51 % si l’on considère les 18-59 ans).

Le catholicisme reste la première religion du pays (25 % de la population s’en revendique), suivi de l’islam (11 %), puis des autres religions chrétiennes (9 %). Les religions juives et bouddhistes ne sont revendiquées, chacune, que par 0,5 % des Français.

Dans La Croix, l’historien Guillaume Cuchet souligne le déclin spectaculaire de l’affiliation au catholicisme, passant de 43 à 25 % en douze ans. « La crise des abus sexuels dans l’Église a sans doute amplifié la tendance mais ne l’a pas créée », précise-t-il (2). En sens inverse, il observe la progression des protestants évangéliques (de 2,5 à 9 %) et des musulmans (de 8 à 11 %).

Des évolutions contrastées qui sont nettement corrélées avec le lien à la migration. Les personnes se déclarant sans religion ne sont que 26 % quand elles descendent de deux parents immigrés, alors qu’elles sont 58 % quand elles ne sont ni immigrés ni descendantes d’immigrés (sur deux générations).

À voix basse
Le rapport à la religion, comme dimension constitutive de l’identité des personnes interrogées, connaît aussi des variations très marquées d’une confession à l’autre. Alors que seuls 6 % des catholiques considèrent la religion comme un marqueur majeur de leur identité personnelle, c’est le cas de 54 % des juifs et de 30 % des musulmans (en recul de trois points pour ces derniers par rapport à la précédente enquête).

Que retenir de tout cela ? Que la mondialisation, la révolution numérique et le changement climatique ne sont pas les seuls changements profonds à l’œuvre en France en ce début de XXIe siècle (après Jésus-Christ). Que la « sortie des religions » n’est toujours pas stabilisée, à commencer par celle du catholicisme, engagée depuis les années 50-60.

Non pas que les catholiques soient en voie de disparition, mais leur « statut » dans la société est forcément bouleversé quand on passe, en un demi-siècle, de religion ultra-majoritaire – en 1965, 90 % des enfants étaient baptisés dans les trois mois après leur naissance -, à celui de premier groupe des confessions minoritaires – aujourd’hui, à peine 30 % des enfants reçoivent le baptême avant l’âge de 7 ans (3) –. Avec tous les risques de crispations ou de dépressions que ce « déclassement » peut engendrer.

Croyant ou non, parmi les mille questions – culturelles, sociales, politiques – que soulèvent ces évolutions, il en est une qui peut nous effleurer, ne serait-ce qu’à voix basse : en nous éloignant des croyances et des rites qui ont si longtemps façonné nos prédécesseurs, parviendrons-nous à être plus sages, plus libres, plus fraternels ou bien seulement plus seuls et plus désespérés ?

(1) Enquête « Trajectoires et origines 2 », menée conjointement par l’Insee et l’Institut national des études démographiques. (2) La Croix, 22 mai 2023. (3) Cité dans Le catholicisme a-t-il encore de l’avenir en France (Le Seuil, septembre 2021).
(*) Rédacteur en chef à Ouest-France.

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