Le Vatican face au lent déclin du catholicisme en France

10:48 - September 23, 2023
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PARIS(IQNA)-Alors que le pape François, en visite à Marseille, s’apprête à donner une messe devant un parterre de 57 000 fidèles, le nombre de catholiques ne cesse de s’éroder depuis la fin des années 70.

Lors de la dernière visite d’un pape à Marseille, la France comptait sur son sol un nombre de catholiques quasiment égal à son nombre d’habitants. Les philosophes des Lumières n’avaient pas accouché de leur œuvre, et l’Etat ne faisait avec l’Eglise encore qu’un. C’était en 1 533. Clément VII régnait sur le Vatican. Et déjà, la vague réformiste initiée par Martin Luther et Jean Calvin dans la première moitié du XVIe siècle, plonge le catholicisme dans une période de turbulences.

Mais quatre siècles plus tard, alors que le Très Saint-Père François est arrivé à Marseille ce vendredi 22 septembre, le nombre de Français catholiques n’a jamais été aussi bas. Et bien que le catholicisme reste la première religion de l’Hexagone, la part des fidèles continue de rétrécir. Alors qu’en 1965, 85 % des Français déclarent être catholiques, ils ne sont plus que 29 % en 2020. "Il y a un effondrement en cours", observe dans un ouvrage récent la sociologue des religions Danièle Hervieu-Léger.

Vers une sécularisation et une diversification des croyances
Face à ce constat, plusieurs pistes d’explication se dessinent. Tout d’abord, la part de non-croyants est en constante augmentation depuis le début des années 80. Alors que seulement un quart des Français se déclarent à aucune religion en 1981, ils représentent désormais plus de la moitié de la population. En 2021, le nombre de non-croyants a ainsi dépassé celui des fidèles, qui représentent respectivement 51 % et 49 % de la population française. Une première dans l’Histoire du pays, devenu laïque en 1905.

Par ailleurs, l’apparition en France de nouvelles religions, concomitante avec l’arrivée de croyants issus de l’immigration extra-européenne, a inévitablement conduit à une diminution de la part de catholiques dans la population. L’islam, qui ne représente en 1981 que 0,4 % des croyants, est désormais la deuxième religion de France. En 2020, un Français sur dix se déclarent ainsi musulmans. Et si le catholicisme ne cesse de reculer depuis la fin des années 70, l’islam enregistre de son côté une très nette progression.

Un recul de la pratique religieuse
D’autant que les Français musulmans sont également en moyenne deux à trois fois plus pratiquants que les catholiques. Un sondage réalisé en octobre 2022 par l’Ifop révèle notamment que 10 % des baptisés trouvent la messe "ennuyeuse". Rien de surprenant, lorsque seulement 8 % des catholiques y assistent régulièrement. Un peu moins d’un quart des musulmans se rendent régulièrement à la mosquée.

À noter néanmoins que, ne faisant pas partie des cinq piliers de l’islam, les lieux de culte occupent un rôle différent pour les musulmans. "Les pratiques privées, à domicile ou dans la vie quotidienne, sont beaucoup plus fréquentes", fait valoir, dans une étude de l’Insee datée de mars, Vincent Tiberj, professeur des universités et chercheur au Centre Emile Durkheim et délégué recherche de Sciences Po Bordeaux.

Révélations d’abus sexuels, des séquelles durables
Mais pour Danièle Hervieu-Léger, la perte de vitesse de l’Eglise catholique tient essentiellement à son fonctionnement "intérieur". Dans son ouvrage Vers l’implosion ? (Éd. Le Seuil), co-écrit avec le sociologue Jean-Louis Schlege, la spécialiste brosse le portrait d’une institution "de plus en plus incapable" de répondre aux changements de la société et aux évolutions de ses mœurs. "Je dirai que l’Eglise est malade du système romain, ce système clérical total mis en place au Concile de Trente pour se défendre de la menace de schisme et qu’elle a renforcé au XIXe siècle pour contrer l’avancée de la modernité politique. Ce système bétonné se voulait une défense et un remède face aux menaces extérieures. Il est devenu, aujourd’hui, son propre poison", résume-t-elle à nos confrères du média en ligne catholique "Cath".

Une piste qui pourrait également expliquer l’hémorragie qui touche l’Europe depuis une dizaine d’années. Entre 2018 et 2019, le Vieux continent a perdu 292 000 de ses fidèles. Aujourd’hui, les catholiques ne représenteraient plus que 38 % de la population européenne contre 76 % en 2010. Un déclin accéléré par les nombreux scandales d’agressions sexuelles et de viols, qui n’épargnent aucun pays. En France, le rapport Sauvé remis fin 2021, a levé le voile sur 70 ans d’abus sexuels commis dans l’Église. De quoi ôter la foi à de nombreux croyants. "C’est un phénomène qui existe. […] J’ai été approché par des gens disant qu’ils n’avaient plus confiance en l’institution", confiait Mgr Pascal Wintzer, évêque de Poitiers (Vienne) à nos confrères du Parisien en mai dernier. S’il est encore difficile de chiffrer le nombre exact de fidèles ayant déserté suite aux révélations d’abus sexuels dans l’Eglise, le catholicisme risque néanmoins d’en porter durablement les séquelles.

Lexpress

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