Vendredi, l'un des principaux opposants, Ruhul Kabir Rizvi Ahmed du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), a été arrêté, selon la police. Une prison dans le district de Narsingdi, dans le centre du pays, a été assaillie par les manifestants. « Les détenus ont fui la prison et les manifestants ont mis le feu », a déclaré un officier de police s'exprimant sous couvert de l'anonymat et évaluant à « des centaines » le nombre de détenus libérés. Face à cette situation, « le gouvernement a décidé d'imposer un couvre-feu et de déployer l'armée », a déclaré le bureau de la Première ministre bangladaise Sheikh Hasina.
Après avoir fait fermer les écoles et les universités en début de semaine, les autorités ont aussi coupé internet depuis jeudi. Jeudi, des bâtiments officiels avaient été « incendiés et vandalisés », selon la police, dont le siège de la télévision publique Bangladesh Television (BTV). Là, plus de 700 personnes ont été blessées, dont 104 policiers et 30 journalistes, selon la chaîne privée Independent Television. La police a confirmé une centaine de policiers blessés et une cinquantaine de postes de police incendiés. BTV n'avait pas repris ses émissions vendredi.
Plus de 100 morts
Et le bilan témoigne de la violence inédite des troubles qui secouent ce pays de 170 millions d'habitants. Au moins 105 personnes sont mortes depuis le début des manifestations, selon un décompte de l'Agence France-Presse (AFP) réalisé auprès de sources hospitalières. Au moins 52 personnes ont été tuées vendredi à Dacca où les manifestations ont continué, malgré une interdiction visant tout rassemblement ou réunion publique dans la capitale, selon une liste consultée par l'AFP à l'hôpital universitaire de Dacca. Depuis le début de la semaine, les tirs de la police sont responsables de plus des deux tiers des morts, selon les descriptions données par les hôpitaux.
Le Haut-Commissaire de l'ONU pour les droits humains Volker Türk a condamné la répression, parlant d'attaques « particulièrement choquantes et inacceptables ». Il s'est dit « très préoccupé » par des informations selon lesquelles les autorités déploient des unités paramilitaires telles que les gardes-frontières du Bangladesh et le bataillon d'action rapide, « qui ont un long historique de violations » des droits humains.
« On nous a dit que si l'un d'entre nous publiait quelque chose contre le gouvernement, nous serions en danger, que la police prendrait des mesures à notre encontre », explique une étudiante, jointe par téléphone jeudi par Nicolas Rocca, journaliste au service international de RFI.
Une lutte qui dépasse les quotas
Les manifestations, quasi quotidiennes depuis début juillet, visent à obtenir la fin des quotas d'embauche dans la fonction publique. Ces quotas réservent plus de la moitié des postes à des groupes spécifiques, notamment aux enfants des vétérans de la guerre de libération du pays contre le Pakistan en 1971. Ce système favorise les proches du pouvoir, fustigent ses détracteurs qui réclament désormais la démission du gouvernement. « Désormais, c'est notre liberté qui est en jeu. Nous voulons qu'il [le gouvernement] paie le prix de la mort de nos frères », souffle l’étudiante jointe par téléphone par Nicolas Rocca.
La crise sociale s'est ainsi muée en crise politique pour la Première ministre, huée au fil des manifestations dans les rues de Dacca aux cris de « À bas le dictateur ! ».
Sheikh Hasina est accusée avec son parti, la Ligue Awami, de vouloir museler toute opposition depuis qu'elle est revenue au pouvoir en 2009. Il lui est reproché d'avoir injustement fait emprisonner son principal rival et limité la liberté de la presse. Elle est aussi soupçonnée de vouloir éradiquer toute dissidence, notamment via l'assassinat extrajudiciaire de militants de l'opposition, selon ses détracteurs et des défenseurs des droits.
rfi