L’attention aux enjeux sociaux et le combat contre les hérésies, dans le commentaire de Molla Mohammad Jalizadeh

13:46 - November 19, 2024
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IQNA-Molla Mohammad Jalizadeh, connu sous le nom de Mehla Gehwara (grand mollah), était l'un des éminents érudits religieux du Kurdistan irakien. Il est né en 1876 dans la ville de Kuisanjaq à Erbil.

Son père et son grand-père (Mollah Abdullah et Molla Asad Jalizadeh) étaient également de grands érudits de la région. Il commença à apprendre le Coran, le fiqh, l'astronomie et la logique sous la supervision de son père, et reçut l'autorisation d'enseigner en 1898, à l'âge de dix-huit ans.

Au cours de sa vie, Molla Muhammad a occupé plusieurs postes importants. En 1912, après la mort de son père, il fut nommé mufti de Kui Sanjaq, une position qui lui valut le titre honorifique de « Grand Molla ». Plus tard, en 1915, il devint membre du Conseil d'État de l'Assemblée de Mossoul et finalement, en 1919, il fut nommé juge, et occupa ce poste pendant 10 ans. Plus tard, en 1924, Molla Mohammad Jalizadeh fut élu représentant de Kui Sanjaq à l'Assemblée constituante de l'Irak.

En 1928, Jalizadeh quitta tous ses emplois gouvernementaux pour se consacrer à l'écriture. Il était un érudit prolifique et l'auteur de près de vingt livres sur divers sujets islamiques. Cependant, son œuvre la plus importante, est sans aucun doute, l'interprétation kurde du Coran intitulée « Leh Kahlami Khudavenadi » (La Parole de Dieu) en 10 volumes.

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Cette œuvre est écrite dans le dialecte parlé par les Kurdes dans l’est de l’Irak et l’ouest de l’Iran, et est l’une des œuvres les plus anciennes écrites en langue kurde. La rédaction de ce commentaire a duré 10 ans, de 1933 à 1943.

Ce commentaire est l'une des plus importantes et des premières interprétations du Coran en langue kurde, rédigée par un religieux rationnel et modéré. Bien que Jalizadeh suivait l'école de jurisprudence Shaféite et l'école théologique Ascharite, toutes deux courantes en Irak, cela ne l'a pas empêché d'apporter les opinions des autres écoles dans son interprétation.

A la fin de son commentaire, Molla Muhammad mentionne qu'il a écrit cet ouvrage en réponse à une demande d'un groupe de jeunes étudiants de Kui Sanjaq, pour les aider à comprendre le Coran dans leur langue maternelle. Cependant, cet ouvrage ne fut publié que plusieurs années après sa mort.

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Deux versions de son commentaire kurde ont été publiées, toutes deux soutenues par deux anciens présidents kurdes irakiens. Le premier a été publié avec le soutien de Jalal Talabani en 2006 (en dix volumes), et le second, avec le soutien de Barham Saleh en 2020 (en quatre volumes), ce qui montre la popularité de ce livre au sein de la communauté kurde ainsi que son importance pour les érudits islamiques de cette région.

À la fin de son commentaire, Molla Muhammad mentionne un certain nombre de sources d'interprétation, classiques et nouvelles, qu'il a utilisées comme le Tafsir de Tabari, et les livres de Zamakhshari, Alousi, Tantawi Johari et Rashid Reza. Non seulement il se réfère à ces interprétations, mais exprime également son opinion à leur sujet. Sur le plan méthodologique, Mulla Muhammad a peut-être été influencé par l'école rationaliste associée à Muhammad Abduh et Muhammad Rashid  Reza en Egypte, qui se reflète dans le Tafsir al-Manar.

Par exemple, dans l'interprétation du verset 103 de la sourate Ma'ida : 
» الَّذِينَ كَفَرُوا يَفْتَرُونَ عَلَى اللَّهِ الْكَذِبَ وَأَكْثَرُهُمْ لَا يَعْقِلُونَ «
« Mais ceux qui ont mécru ont inventé ce mensonge contre Allah, et la plupart d'entre eux ne raisonnent pas »
il écrit : « « Je ne sais pas quoi dire. Si je dis que l'intellect fait la différence entre les commandements de Dieu et les faux commandements, ils disent que je penche pour la pensée Mutazilite. Mais je crois qu’après la prophétie, il est impossible de nier l’évidence de la raison. Voyez comment certaines personnes aiment les dirigeants des sectes soufies et derviches, dont les récits sont exagérés. Ils considèrent ces gens comme Dieu et veulent que Dieu exécute uniquement les ordres du Cheikh, et ils considèrent que c'est la vérité de la religion ». Molla Mohammad Jalizadeh a lutté contre l’hérésie et les distorsions, et s’est opposé aux interprétations de certains groupes soufis qui selon lui, déforment l’essence de l’Islam.

Dans son commentaire du verset 49 de la sourate An'am :
« وَالَّذِينَ كَذَّبُوا بِآيَاتِنَا يَمَسُّهُمُ الْعَذَابُ بِمَا كَا نُوا يَفْسُقُونَ »
« Et ceux qui traitent de mensonges Nos preuves, le châtiment les touchera, à cause de leur perversité »il donne les informations suivantes sur la situation contemporaine des sociétés musulmanes et déclare : « Nous avons souligné à plusieurs reprises, que Dieu est le seul créateur des principes de la charia (humains) et le créateur des lois de la nature. Le but des lois religieuses est de s’aligner sur la nature humaine. Les musulmans doivent adhérer aux deux types de lois sans les considérer comme contradictoires. S’ils avaient adhéré à ces principes, ils auraient été aujourd’hui au premier rang parmi les nations. Celui qui n’obéit pas à l’une ou à l’autre a négligé le chemin divin.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés aux conséquences de nos fausses croyances, nos pouvoirs sont complètement désactivés et nous allons finalement à notre mort ».

Le résultat est que Jalizadeh n’a pas écrit son commentaire uniquement pour « traduire le Coran », mais a essayé de résoudre les problèmes de sa société à la lumière des directives coraniques. Pour cette raison, son interprétation peut être considérée comme unique et son approche est une œuvre qui a encore aujourd’hui une grande valeur et une grande popularité parmi les musulmans kurdes.

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