À l’occasion de l’Arbaïn, l’érudit libanais Hojjat al-Islam Seyyed Mohammad Reza Sharafeddine, professeur au séminaire de Najaf, a livré à l’agence IQNA une réflexion approfondie sur la portée de la révolution de Karbala. Selon lui, le soulèvement de l’imam Hussein (as) ne se limite pas à un épisode historique circonscrit dans le temps, mais s’inscrit dans une continuité qui relie la mission des prophètes, la défense des valeurs éthiques et, ultimement, la préparation de l’avènement de l’imam al-Mahdi (aj).
Dès l’origine, explique-t-il, les prophètes ont offert leurs biens et leurs vies pour préserver la vérité. Leur cheminement a ouvert la voie au message universel du Prophète Muhammad (psl), porteur d’un Livre complet et d’un système global. Or, à l’époque de l’imam Hussein, les fondements moraux avaient été gravement altérés.
Les vices que la société arabe rejetait durant l’ère de l’ignorance – tromperie, mensonge, trahison ou abandon du voisin – s’étaient paradoxalement généralisés au nom même de la religion. Les valeurs de droiture et de sincérité, autrefois source de fierté, étaient désormais considérées comme des faiblesses, tandis que la ruse et la manipulation passaient pour des qualités politiques.
Pour le savant libanais, cette perversion des repères constituait une menace directe contre la survie même de l’humanité. En effet, si les principes moraux disparaissent, toute possibilité de réforme et de redressement devient impossible. C’est pourquoi l’imam Hussein a entrepris un soulèvement à la fois religieux, social et profondément éthique, guidé par la dimension affective et spirituelle de la foi.
Une révolution tournée vers l’avenir messianique
Sharafeddine insiste sur le fait que l’imam Hussein n’a pas seulement réagi à une injustice politique. Sa démarche visait la restauration des fondations de la dignité humaine, étape indispensable à la préparation d’un ordre futur, celui de l’imam al-Mahdi. Ainsi, la tragédie de Karbala représente le prélude nécessaire à l’instauration d’un gouvernement juste, global et divin.
Contrairement à ceux qui croyaient que l’imam devait chercher refuge au Yémen pour constituer une force militaire, Hussein (a) avait un projet supérieur : réveiller les consciences et rappeler la vocation originelle de l’homme. Il savait que son destin était le martyre et affirma à ses compagnons que quiconque le suivrait atteindrait le témoignage suprême. Ce sacrifice, loin d’être une défaite, constituait une victoire morale et spirituelle qui transcende les époques et les frontières.
Karbala, un message universel de justice
Cette victoire par le martyre a transformé Karbala en un symbole universel. Le message de l’imam Hussein dépasse les appartenances religieuses ou communautaires ; il s’adresse à toute l’humanité en quête de justice. Sharafeddine rappelle que des milliers de lettres furent envoyées à Hussein par les opprimés de Koufa, réclamant secours face à la tyrannie. En répondant à cet appel, l’imam s’est fait la voix des peuples contre l’arbitraire et la corruption.
L’érudit souligne enfin la complétude de la personnalité de l’imam Hussein : héritier légitime du Prophète, modèle de savoir, de piété et de courage, il représentait l’alternative authentique face à un régime illégitime. Son soulèvement n’était ni spontané ni limité : il portait une dimension intérieure et extérieure, apparente et profonde, qui continue d’inspirer aujourd’hui.
Ainsi, conclut Sharafeddine, l’appel de Hussein – « Ya Hussein » – demeure un cri intemporel. Il incarne une parole universelle qui transcende les lieux et les époques, et rappelle à chaque génération que la foi véritable s’enracine dans la justice, la morale et la dignité humaine.