
Farideh Mahdavi Damghani, reconnue pour ses innombrables contributions académiques en littérature médiévale européenne ainsi que pour ses traductions d'œuvres majeures occidentales telles que la Divine Comédie de Dante, le Paradis Perdu de John Milton et les Comédies de Shakespeare, ainsi que la traduction des chefs-d'œuvre islamiques classiques, a longtemps servi de “Pont Culturel” entre l'Orient et l'Occident. Pourtant, son dernier projet: une vaste Anthologie de poèmes Persans Contemporains, traduits en Français, Anglais, Italien et Espagnol, représente un tournant profondément personnel et patriote. Elle nous déclare: “J'ai été profondément affectée par la manière dont le monde a réagi aux agressions Israéliennes”, a-t-elle déclaré à IQNA, faisant allusion à l'attaque Israélienne non provoquée contre l'Iran en Juin dernier, soutenue par les États-Unis.
“Certaines nations ont fait preuve d'un soutien à l'Iran d'une chaleureuse et surprenante audace, tandis que d'autres, ont répété les mensonges véhiculés par des médias hostiles et aggressifs…”, a-t-elle affirmé, ajoutant qu'elle souhaitait répondre: non pas avec colère ou dans un cadre politique, mais par la puissance évocatrice de la “Poésie” au sens absolu du terme.
Cette conviction l'a conduite à redécouvrir des fichiers oubliés sur son ordinateur: des traductions qu'elle avait réalisées dix ans auparavant de poèmes d'écrivains Persans contemporains: “C'était comme une Direction Divine”, confie Mahdavi Damghani.
De ces textes redécouverts est née une Anthologie détaillée, minutieuse et ambitieuse qui englobe désormais 110 poètes Persans: hommes et femmes, d'hier et d'aujourd'hui, présentés dans quatre grandes langues internationales: “Anthologie des Poètes Persans Contemporains.”
Le nombre lui-même possède une signification symbolique profonde: “Au départ, j'avais rassemblé 100 poètes”, raconte-t-elle, précisant que son époux lui a suggéré d'en inclure 10 de plus, car le nombre 110 dans la numérologie Islamique évoque l’illustre nom du seigneur des croyants, L'Imâm Ali (Que la Paix Divine lui soit accordée). “Naturellement, suivre cette recommandation n'était pas seulement une obligation morale et spirituelle que je ressentais, mais également une source de grande réjouissance pour moi…”
Chaque ajout, confie-t-elle, semble avoir été inspiré par des “signes spirituels”: des noms émergeant de ses rêves nocturnes, des souvenirs inattendus de vers. Parmi les récentes inclusions, figurait le nom d’Ali Ak’bar Déh’khodâ (éminent érudit, linguiste, écrivain et homme politique Iranien, considéré comme l'une des figures intellectuelles majeures de l'Iran, au début du XXe siècle. Son chef-d'œuvre, le “Dictionnaire Déh’khodâ”, est le dictionnaire le plus exhaustif de la langue Persane jamais élaboré), dont l'élégie dédiée à Mirzâ Djahânguir Khân Sour Ésrâfil, affirme-t-elle, a constitué “l'une des traductions les plus éprouvantes, en raison de sa profondeur émotionnelle et linguistique.”
Le processus, précise-t-elle, a été d'une minutie exemplaire: “Traduire la poésie n'est jamais un acte mécanique; cela exige de recréer le sens, le rythme musical et l'émotion à travers les langues. Certains vers, tels que ceux de Féréydoun Mochiri ou de Nimâ Youshidj, paraissaient d'une simplicité déconcertante mais résistaient à la traduction pendant des jours…”
Pour Mahdavi Damghani, le projet transcende le domaine littéraire pour revêtir une dimension morale: “Les médias occidentaux se révèlent peu propices et manquent d'intérêt à défendre notre cher Iran et ses habitants.” Son Anthologie débute par des vers du “Châh-Nâmeh” de l’illustre Férdowssi, un geste délibéré de fierté et de défi: “Après qu'un individu peu éclairé s'est moqué de Férdowssi en ligne, j'ai ressenti qu'il était de mon devoir moral et national de commencer par cette illustre personnalité…”, déclare-t-elle. “Il est considéré comme notre plus précieux trésor national, tout comme Dante l'est pour l'Italie.”
Elle intègre également des vers de Rûmi, Hâféz et Saadi, veillant à ce que les lecteurs soient immergés dans l'ensemble du patrimoine littéraire Persan avant de se tourner vers les voix contemporaines. Parmi les 110 poètes, figurent des figures éminentes telles que Soh’râb Sépéh’ri et Forough Farrokh-zâd, ainsi que d'autres personnalités littéraires comme Méh’di Akhavân-Sâlesse et Simine Béh’bahâni, aux côtés de voix plus contemporaines et moins connues telles qu'Aryâ Âryâpour, dont le poème conclut cette belle Anthologie: “En fait, pour vous donner un simple exemple, deux de mes amies -l'une Italienne et l'autre Française, toutes deux d'une érudition remarquable- ont exprimé leurs émotions spirituelles après avoir découvert ce poème…”, a-t-elle déclaré, faisant référence à l'œuvre d’Âryâpour.
Les illustres poétesses Iraniennes occupent elles aussi une place prépondérante, allant de Parvine É'téssâmi et Tâhereh Saffârzâdeh à des voix émergentes telles que Léylâ Kord-batcheh et Royâ Ébrâhimi.
“Je ne souhaitais aucune forme de discrimination”, insiste Mahdavi Damghani.
Malgré les sanctions internationales qui entravent souvent l'œuvre des écrivains et traducteurs Iraniens, son Anthologie a désormais touché des lecteurs du monde entier grâce à des plateformes numériques telles qu'Amazon, Apple Books, Google Play et Barnes & Noble. Mahdavi Damghani considère cela comme un petit miracle. Pour elle, cette publication en quatre langues, représente à la fois un acte culturel et une prière. L'achèvement et la publication de cette série, affirme-t-elle, n'étaient pas le fruit du hasard, mais se sont réalisés à un moment, où le monde devait envisager l'Iran sous un angle renouvelé, le percevant comme une nation profondément enracinée dans une culture antique et raffinée…



