Suisse : inauguration d’une nouvelle mosquée par des musulmans albanais
Sur la route de Fribourg qui mène à l’entrée de Tavel, impossible de ne pas la voir. La nouvelle mosquée de l’Association culturelle islamique albanaise de Fribourg (ACIAF) arbore une façade couverte de motifs en acier zingué, colorés dans un ton «or sablé». Ce nouveau lieu de culte musulman sera inauguré le 2 novembre prochain.
«Je crois que nous avons une des plus belles mosquées du pays. Elle fera des jaloux», sourit Mirhat Medziti, secrétaire de l’ACIAF, pas peu fier de cette réalisation et qui se réjouit de faire visiter les lieux à des centaines d’invités. Ingénieur, il a conçu lui-même une grande partie des transformations de ce vaste bâtiment, qui abritait auparavant un garage.
La construction de 1450 m2 contient non seulement un lieu de culte sur deux étages (450 m2), mais aussi des espaces pour les sanitaires et les ablutions, des salles de classe et de réunion, une vaste salle de jeux pour les enfants, une salle de repos, un bureau, une bibliothèque et un restaurant de 200 m2. «Nous cuisinerons des spécialités albanaises, mais aussi des plats courants. En fait, les visiteurs verront vite que ce n’est pas seulement une mosquée, mais un centre complet, y compris pour les gens qui ne viennent pas pour prier», dit Mirhat Medziti.
Présente depuis plusieurs décennies dans le canton, cette communauté constituée d’Albanais de Macédoine, du Kosovo et de plusieurs pays ne possédait pas de lieu de culte propre jusqu’en 1996, date de la création de l’ACIAF.
Elle a alors rénové un local dans le quartier de Beauregard, avant de déménager à Granges-Paccot en 2016.
«Nous étions quelques dizaines au départ, puis l’association a progressivement grandi jusqu’à comprendre 200 membres aujourd’hui. Nous étions à l’étroit et nous avions besoin de locaux plus vastes depuis longtemps», rappelle Rromir Imami, membre du comité. L’emplacement de Tavel est idéal, considère Mirhat Medziti, «car une grande partie de nos membres habite au Schoenberg ou en Singine».
Chantier des bénévoles
L’ancien garage a été progressivement transformé depuis juin 2023. «Nous avons passé tous nos samedis à travailler sur ce chantier. Nous avons fait presque tous les travaux nous-mêmes et des dizaines de volontaires nous ont aidés», précise le président de l’ACIAF, Bedrudin Saduloski, spécialiste en chauffage et sanitaire.
La «mosquée grand luxe» dispose d’un chauffage au sol et de locaux climatisés. «Beaucoup de membres du comité et de l’association sont actifs dans les métiers du bâtiment, ce qui a vraiment facilité les travaux.» Le coût de la réalisation se monte à environ 3,5 millions, selon l’ACIAF, dont près d’un tiers pour l’achat de la parcelle et des locaux, le tout «presque entièrement financé par des dons privés», signale le président.
Mosquée sans coupole
On se déchausse pour entrer dans la salle de culte. «Une mosquée, c’est d’abord une salle et un tapis de prière orientés vers La Mecque», résume Rromir Imami. Le tapis du rez-de-chaussée, plutôt moelleux, a été fabriqué en Turquie. «Même en trois pièces, il est possible d’en trouver un de cette taille en Suisse.» La salle de prière est très lumineuse, avec des versets du Coran et le nom d’Allah calligraphié en arabe au plafond. En islam, «il n’y a pas de représentation de Dieu comme dans le christianisme, uniquement des inscriptions et des ornements abstraits», rappelle Rromir Imami.
Une niche est aménagée dans le mur: il s’agit du mihrab, qui indique la direction La Mecque, vers laquelle les musulmans sont tournés pendant la prière. «Les prières sont mixtes et celle du vendredi n’est obligatoire que pour les hommes», rappellent les membres de l’ACIAF. Les lieux ont été conçus par un designer d’Albanie, tandis qu’un décorateur du Kosovo a dessiné le mobilier. Seul bémol: «Nous n’avons pas pu rajouter la coupole que nous voulions mettre sur le toit à cause des règlements de construction», indique Mirhat Medziti.
Mieux connaître
Le canton de Fribourg compterait plus de 13 000 musulmans, répartis en une dizaine de centres et d’associations, que regroupe l’Union des associations musulmanes de Fribourg (UAMF). Dans son étude sur les communautés religieuses du canton de Fribourg (2012), l’historien des religions Jean-François Mayer notait que «les lieux de prière sont souvent mis sur pied et gérés par des personnes d’une même langue ou nationalité, pour des raisons pratiques (compréhension mutuelle, façons similaires de travailler): c’est autour d’un groupe qui en prend l’initiative que se constitue une association. Plusieurs mosquées ont donc une forte dominante nationale ou linguistique.» Même si la prière se déroule en arabe, c’est souvent la langue de la prédication qui donne lieu aux principales démarcations.
«Nous souhaitons que ce nouveau centre soit visité par un maximum de personnes, pour mieux faire connaître notre communauté et l’islam en général», dit Rromir Imami. «Nous aimerions en faire un lieu ouvert où chacun se sente le bienvenu, afin de dépasser les préjugés.»
laliberte.ch
