Ifop : La prise de conscience progresse mais la haine de l'autre reste inquiétante

10:19 - March 14, 2021
Code de l'info: 3476066
Téhéran(IQNA)-Les questions sont parfois dérangeantes mais l'objectif est clair et utile : mesurer les préjugés et la prégnance du racisme dans la société.

Le sondage Ifop commandé par l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) et SOS Racisme avec France Télévisions, dont le JDD dévoile les résultats, livre des conclusions paradoxales : "Il montre une prise de conscience, une réelle préoccupation et la perception d'un danger lié au racisme, analyse Frédéric Dabi, le directeur général adjoint de l'Ifop, mais révèle aussi la vitalité des ­stéréotypes."

Parmi les réponses encourageantes : près de la moitié des Français se disent préoccupés par l'antisémitisme (54%), le racisme contre les musulmans (50%), contre les Noirs (50%) ou contre les Asiatiques (41%). Et si la tolérance varie selon les catégories, elle progresse par rapport à 1984, quand la même étude avait été réalisée pour ­L'Humanité Dimanche.

C'était l'époque de la création d'associations comme SOS Racisme et de la première percée du FN aux élections européennes. La propension à se sentir "gêné" si ses voisins sont arabes, noirs, juifs ou asiatiques a reculé et touche aujourd'hui ­respectivement 26%, 13%, 7% et 6% des sondés.

Autre bonne nouvelle : les 18-24 ans se montrent moins perméables aux préjugés. Ils ne sont que 17% à croire que les Juifs sont "plus riches que la moyenne", contre 30% tous âges confondus. Et 46% à penser que les Noirs sont "très bons en sport", contre 65%. Mais les jeunes ont moins conscience de l'antisémitisme. "La Shoah, enseignée en cours d'histoire, peut leur sembler plus éloignée, avance Noémie Madar, la présidente de l'UEJF. Et comme beaucoup d'élèves juifs ont quitté l'école publique, souvent en raison d'un climat antisémite, ils ont moins l'occasion d'en côtoyer."

Les préjugés racistes et antisémites persistent.
Si de façon générale le racisme a plutôt diminué, "l'étude reflète une crispation très forte à l'égard des Français musulmans ou d'origine maghrébine", constate ­Frédéric Dabi. Plus de quatre personnes interrogées sur dix (43%) considèrent que ces deux catégories sont "trop nombreuses" en France. Pour expliquer ce rejet, Dominique Sopo, le président de SOS Racisme, émet trois hypothèses : "Ça renvoie sans doute à la vision ancienne d'une lutte pour la domination entre ­l'Occident chrétien et le monde arabo-­musulman, à l'image de l'homme arabe violent construite notamment pendant la guerre d'Algérie et aux attentats plus récents menés par des terroristes au nom de l'islam."

Et les préjugés racistes restent tenaces à l'égard des musulmans. Ils "ne respectent pas les valeurs de la République" pour 48% des sondés ; "vivent principalement des allocations et des minima sociaux" pour 42%. Mais aussi des Juifs, qui "ont trop de pouvoir dans le domaine de l'économie et de la finance" (23%). Des Noirs, qui "ont le rythme dans la peau" (71%), "sont très bons en sport" (65%) et "souriants" (63%). "Ces préjugés semblent plus positifs, mais ça sous-entend qu'ils n'utilisent pas leur cerveau et ça peut déboucher sur des discriminations à l'embauche", prévient la présidente de l'UEJF. Et pour 15% des sondés, les Asiatiques ont "contribué à la propagation du Covid-19 en France".

Afin de lutter contre le racisme, vers quelles institutions se tourner? L'école arrive en tête : 62% des Français lui font confiance. Suivie par les forces de l'ordre (53%) et les associations antiracistes (53%, mais 78% chez les 18-24 ans). La justice, elle, est sous la moyenne (49%) : "Ça rejoint une réalité à laquelle nous sommes confrontés sur le terrain, observe Noémie Madar. Même s'il existe un arsenal juridique, les juges ont beaucoup de mal à retenir le caractère raciste ou antisémite d'une agression." Les corps intermédiaires enfin – syndicats, médias, partis politiques – ont tous perdu du crédit.

À quoi ressemble cette France gênée par l'autre? "La cartographie se rapproche de celle de l'électorat historique du Front national, explique le responsable de l'Ifop. Des hommes plutôt que des femmes, une proportion qui croît avec l'âge, majoritaire chez les ouvriers, les non-diplômés, et plutôt de droite dure." On en trouve beaucoup chez les partisans du RN (56% d'entre eux considèrent que "les musulmans ne sont pas aussi français que les autres") mais aussi dans les rangs de la droite (44% sont du même avis). Alors, même si l'action des associations a déjà permis des progrès, il n'est pas question de relâcher les efforts. "La tâche reste immense, conclut ainsi Dominique Sopo. Les partis politiques, notamment à droite, ont une responsabilité dans la lutte contre le racisme. À l'approche de 2022, espérons que ce sondage sera source d'inspiration."

Pour mieux dénoncer, ils vont en rire sur France 2
Selon le sondage Ifop, 74 % des Français pensent que l'humour constitue un bon moyen de faire reculer les stéréotypes et les préjugés. Ainsi, France 2, en partenariat avec SOS Racisme et l'UEJF, se mobilise pour une soirée spéciale mardi à 21 h 05. L'édition 2021 de Rire contre le racisme sera animée par Jean-Luc ­Lemoine, Nadège Beausson-Diagne et Donel Jack'sman et réunira une vingtaine d'artistes, qui se sont donné pour défi de… rire de tout. Parmi eux : Élie Semoun, Marc-Antoine Le Bret, Redouane ­Bougheraba, Élodie Poux, Antonia de Rendinger, ­Roukiata Ouedraogo, Michel Boujenah.

lejdd

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