La religion prend de plus en plus de place dans les entreprises

9:48 - May 08, 2021
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Téhéran(IQNA)-Le fait religieux progresse en entreprise, selon le dernier baromètre de l'Observatoire du fait religieux en entreprises (OFRE) et l'Institut Montaigne. L'islam arrive largement en tête des faits observés. Les situations conflictuelles, très minoritaires, sont néanmoins de plus en plus nombreuses.

13 % des problèmes liés au fait religieux relevés concernent « des hommes qui refusent de travailler avec une femme, de lui serrer la main ou de travailler sous ses ordres ».

Un sondage auprès de plus de 1.120 managers et des enquêtes de terrain. Le dernier « baromètre du fait religieux en entreprise 2020-21 » entend donner une photographie précise de la place occupée par les religions dans le monde du travail. Et force est de constater qu'elle est de plus en plus importante.

Selon les chiffres fournis par l'Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE) et l'Institut Montaigne, deux tiers (66,5 %) des encadrants observent « régulièrement (31,3 %) ou occasionnellement (35,2 %) » des faits religieux dans leur entreprise. Ils n'étaient que 22 % dans le premier baromètre, en 2012.

« De plus en plus, on observe que les entreprises attendent de leurs salariés une implication plus personnelle et plus engageante », explique Lionel Honoré, directeur de l'OFRE. La logique 'venez comme vous êtes' s'est progressivement imposée, et elle est prise au mot par les salariés croyants. »

Des cas problématiques très minoritaires…
Le fait religieux en entreprise n'est toutefois pas majoritairement problématique. « 70 % des comportements des salariés pratiquants sont perçus comme peu perturbateurs, ne gênant pas la bonne réalisation du travail », note le baromètre. « Le fait religieux majoritaire reste… le fait invisible », note l'auteur, c'est-à-dire que la plupart des salariés croyants ou pratiquants ne montrent pas leur religion au travail.

Comment les entreprises gèrent les revendications religieuses des salariés

Quelle que soit la religion, ce sont, comme en 2019, les demandes d'absence et d'aménagement du temps de travail (au moment du ramadan ou pendant les jours religieux non chômés des catholiques, comme le Vendredi Saint) qui représentent les faits religieux les plus fréquents avec 29 % des cas, devant le port visible de signes religieux (24 %). Ces situations qui requièrent « une action managériale classique », sont « de mieux en mieux appréhendées par les entreprises », selon Lionel Honoré, directeur adjoint à l'Institut d'administration des entreprises de Brest et directeur de l'OFRE.

… mais en augmentation
Bien que toujours minoritaires, les situations problématiques ont progressé. « 19,5 % des situations qui nécessitent une intervention managériale (54 %) sont qualifiées de problématiques », selon l'étude. « Par ailleurs, parmi les 66,7 % de faits religieux repérés en entreprise, on compte 12 % de comportements rigoristes (contre 8 % en 2019). En outre, la part des conflits et blocages afférents a augmenté par rapport à 2019 (16 % des cas en 2020-2021, contre 12 % en 2019). »

13 % des cas concernent ainsi « des hommes qui refusent de travailler avec une femme, de lui serrer la main ou de travailler sous ses ordres ». Il s'agit du troisième type de fait religieux le plus fréquent devant les prières pendant les temps de pause (12 %). Ces attitudes, comme le « refus de travailler avec des non-coreligionnaires », de « réaliser des tâches », « la prière pendant le temps de travail » ou le « prosélytisme », remettent « intrinsèquement en cause l'organisation du travail, les relations entre collègues » ou « transgressent les interdits », souligne l'enquête.

Davantage le fait d'hommes de CSP basses
Pour la première fois, le baromètre présente la part des faits religieux observés en fonction des religions. L'islam est en tête, dans 73 % des situations, devant le catholicisme (20 %), le judaïsme (15 %) et l'évangélisme (13 %). L'islam et le protestantisme évangélique sont le plus souvent les seules religions visibles.

32 % des interrogés ont expliqué que ces faits religieux n'étaient exprimés que par des hommes, 16 % que par des femmes. Les salariés concernés ont principalement entre 20 et 50 ans, et sont des employés (39 %) ou des ouvriers (34 %). 43 % des faits sont repérés dans les entreprises de plus de 1.000 salariés mais les petites entreprises sont aussi concernées (12 % des situations recensées dans celles de moins de 50 salariés). L'industrie concentre une part significative des situations, suivie du transport, de la logistique, du BTP et de la grande distribution.

« Ce sont principalement les hommes jeunes, d'un niveau socioprofessionnel relativement bas, qui déclenchent des situations de blocage ou de conflits telles qu'identifiées par les managers, comme le refus de travailler avec une femme, le refus de réaliser certaines tâches liées au poste, parmi d'autres », notent l'auteur. Si le prosélytisme est plus fréquemment associé aux cultes évangéliques, les attitudes négatives envers les femmes sont « quasi exclusivement » le fait de pratiquants musulmans.

La religion, source de discrimination en entreprise
L'appartenance à une religion est aussi source de discrimination : 21 % des répondants en font état « occasionnellement » ou « régulièrement », un chiffre « stable » par rapport à 2019. Cela concerne « toutes les religions », en proportions équivalentes pour les catholiques et les musulmans et dans une moindre mesure pour les évangéliques. La discrimination modifie majoritairement les interactions professionnelles (mises à l'écart, moqueries…).

Les discriminations à l'embauche représentent 19 % des cas et touchent principalement les pratiquants musulmans (70 % des situations). Lionel Honoré pointe « les projections des recruteurs qui craignent d'avoir à gérer des problèmes plus tard » et recommande des « actions ciblées » d'information et de formation ainsi qu'un « vrai accompagnement » des managers. Dans près de la moitié des cas (46,7 %), les managers de proximité se retrouvent en effet seuls face à la gestion des situations problématiques.

lesechos

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