La vision du monde des talibans n'est pas très différente de celle de Daesh

11:11 - January 11, 2022
Code de l'info: 3479382
Téhéran(IQNA)-Près de trois mois après la chute du gouvernement afghan et la montée au pouvoir des talibans, la situation en Afghanistan semble non seulement inconnue politiquement et internationalement, mais aussi compte tenu de la situation économique du pays, fait craindre une catastrophe humanitaire.

L’Agence iranienne de presse coranique (IQNA), a mené un entretien avec le Dr Karim Pakzad, ancien professeur de droit et de sciences politiques à l'Université de Kaboul, et chercheur à la Fondation française d'études internationales et stratégiques (IRIS), qui a déclaré que l’idée des talibans que la « charia » est la base de tout et qu'une constitution ou des lois pénales ou civiles ne sont pas nécessaires, n'est pas très éloignée des idées de Daesh. 

« La principale raison de la différence et même de l'hostilité entre les deux groupes, est que les talibans ont un mouvement nationaliste largement ethnique, tandis que Daesh est un mouvement international qui vise à « islamiser » le monde en ressuscitant le califat. Pour ISIS, cet objectif est actuellement atteint avec le désordre et l’insécurité qu’il crée dans les pays islamiques. Daesh en Afghanistan, cherche à concrétiser cette vision stratégique par des attentats suicides contre la minorité chiite (Hazara). En fait, l'EIIL a été formé sur la base  du djihad contre les chiites irakiens qui selon eux, « ont pris le pouvoir ». Même si aujourd'hui, les talibans, qui cherchent à être reconnus par les pays de la région et savent que cette reconnaissance n’est pas possible dans les pays occidentaux, n'utilisent pas la violence contre les chiites d'Afghanistan comme dans la première période de leur pouvoir, ils ne sont pas très différents de Daesh dans leurs idées sur les chiites.

Pour de nombreux pays, en particulier certains pays de la région, le passé des talibans, en particulier leurs liens étroits avec al-Qaïda, rend leur reconnaissance difficile et même aujourd'hui, si les différences entre les talibans et Daesh sont réelles et sérieuses, elles n'ont fondamentalement aucune base idéologique et  la formation de leur gouvernement qu'ils ont qualifié d'« inclusif » où les chiites Hazara n'ont aucune place, en est un signe. 

Les pays qui soutiennent la reconnaissance de « l'Émirat islamique des talibans » comme le Pakistan, le Qatar, la Turquie et même la Chine, devraient refuser de reconnaître les talibans dans la situation actuelle. Les États-Unis, l'Union européenne et les Nations Unies ont clairement défini les conditions de reconnaissance des talibans, et certaines ont été acceptées par les pays de la région et la République islamique d'Iran. La plus importante de ces conditions est la formation d'un gouvernement inclusif auquel participeraient tous les groupes ethniques et sociaux d'Afghanistan. Un tel gouvernement pourrait vraiment mettre fin à la guerre de 40 ans et rétablir la paix et la stabilité politiques dans le pays. 

La deuxième condition, que la plupart des pays occidentaux considèrent comme importante, est celle des droits de l'homme, en particulier les droits des citoyens, les droits des minorités ethniques et religieuses, et les droits des femmes, le droit à l'éducation et au travail. Il ne s'agit pas seulement d'une demande mondiale, mais aussi d’une demande de la majorité du peuple afghan. 

Il est clair que les États-Unis voulaient retirer leurs forces d'Afghanistan le plus rapidement possible, mettant ainsi fin à la guerre la plus longue et la plus coûteuse de leur histoire qui après vingt ans, s'est finalement soldée par une défaite militaire. Mais je crois que les États-Unis savaient depuis des années, qu'ils avaient perdu la guerre en Afghanistan et tentaient de modifier leur politique envers les talibans. En encourageant le gouvernement de Kaboul et les talibans à négocier un gouvernement de coalition, les Usa cherchaient à maintenir leur influence en Afghanistan. C'était l'objectif de la signature de l'Accord de paix de Doha en février 2020. L'Afghanistan est un pays géopolitiquement important en raison de sa proximité avec la Chine, l'Iran et la Russie, trois pays qui ne sont pas amis des États-Unis. Personne ne croit que les États-Unis se sont battus, ont dépensé 2 000 milliards de dollars et perdu 2 400 soldats pendant ces 20 ans, juste pour défendre les droits des femmes afghanes. Les changements aux États-Unis et l'élection de Joe Biden qui connaissait mieux que Donald Trump, l'Afghanistan et ses caractéristiques ethniques et culturelles, et savait que les Afghans ne seraient jamais unis, ont poussé Biden à retirer ses forces d'Afghanistan. La situation qui s'est produite après ce départ embarrassant, est le produit de cette irresponsabilité envers le gouvernement et le peuple afghans. 

Les pays voisins, à mon avis, peuvent jouer un rôle positif et constructif dans la recherche d'une solution au problème afghan, à condition qu'ils aient des positions communes et ne poursuivent pas uniquement leurs intérêts nationaux. À l'heure actuelle, en raison des positions fortes de la communauté internationale et des Nations Unies, les pays voisins n'ont pas dérogé aux conditions de la communauté internationale. Cependant, l'expérience de ces dernières années, ainsi que certaines positions de ces pays, montrent que ces pays n'ont pas une position commune.

جهان‌بینی طالبان تفاوت چندانی در عمل با داعش ندارد

Le 19 décembre 2021, par exemple, le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, a déclaré lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OCI, que "les conditions préalables d'un gouvernement inclusif, du respect des droits de l'homme et des femmes, et d’une lutte contre le terrorisme sont des obstacles aux aides étrangères et aux activités des banques".

Chaque société a des points de vue différents sur les droits de l'homme. L'autre grand voisin de l'Afghanistan est l'Iran. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Amir Abdullahian, a présenté de bonnes solutions à la conférence, et la nécessité d'un gouvernement inclusif, mais il n'a pas parlé des droits de l’homme ni des droits des femmes à l'éducation et au travail dans l'Émirat islamique. 

La Turquie, elle, qui est un des partisans de la reconnaissance du régime des talibans, a souligné que "travailler avec les (frères) talibans était essentiel pour la stabilité de l'Afghanistan".

Malheureusement, bien que les talibans aient modifié leurs méthodes et leurs pratiques, je pense que vingt ans de « djihad » contre la présence des États-Unis, de l'OTAN et de leurs alliés en Afghanistan, ainsi que les positions religieuses et ethniques, extrémistes et arriérées, ont produit une génération de talibans que les dirigeants « modérés et pragmatiques » ne peuvent pas contrôler. 

جهان‌بینی طالبان تفاوت چندانی در عمل با داعش ندارد

Contrairement aux assurances d'amnistie des talibans, des arrestations et des meurtres d'anciens officiers et des forces de sécurité ont été  constatés. Les femmes et les filles sont exclues de l'éducation et du monde du travail, sauf dans quelques cas. Ce type de gouvernance pour l'Afghanistan, qui a connu des progrès culturels et sociaux au cours des vingt dernières années, notamment dans le statut des femmes, et où plus de 60 % de la population sont des jeunes de moins de 25 ans, les politiques dures des talibans et les discriminations ethniques et linguistiques, ne sont pas acceptables à long terme. 

Il n'est pas possible pour les talibans d'acquérir une légitimité internationale ni de former un gouvernement véritablement inclusif avec leur vision du monde. La communauté internationale pourtant, fournit aujourd'hui une aide humanitaire à plus de 14 millions d'Afghans qui risquent de mourir de faim, mais si la situation perdure, l'effondrement total de l'économie afghane sera inévitable, entraînant une guerre civile, le chaos et l'insécurité, et les pays voisins seront également menacés à court terme, par d'autres vagues de migrants. 

La coopération des pays de la région avec de grandes puissances telles que les États-Unis, l'Europe, la Chine et la Russie, pour trouver des solutions est nécessaire et doit être centrée sur l’aide au peuple afghan, plutôt que de donner la priorité aux intérêts nationaux et temporaires de chaque pays », a-t-il dit.
4022307

captcha