Cinq ans après la tragédie de la Mosquée de Québec

9:26 - January 25, 2022
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Téhéran(IQNA)-La douleur reste bien vive dans la communauté, mais elle ne l’empêche pas de continuer à s’enraciner davantage dans la Capitale, confie Boufeldja Benabdallah, au 5e anniversaire de la tuerie dans la mosquée de Québec.

«Si vous m’aviez demandé, il y a un mois, mes émotions par rapport à ça, je vous aurais dit oui ça va… mais au fur et à mesure qu’on se rapproche de la journée… c’est difficile et on se remémore les victimes et les évènements», commence M. Benabdallah, assis sur le resplendissant tapis du lieu de culte.

Évidemment, les personnes qui souffrent toujours le plus sont les familles des six hommes décédés lors de l’attaque. Leurs femmes et les 17 enfants qui ont perdu leur paternel en souffrent tous les jours.

«Il y a certaines épouses qui n’ont pas d’emploi présentement et pour elles c’est très difficile. Le papa n’est pas là et elles doivent s’occuper de tout. Elles doivent aller porter les enfants à l’école, faire les courses et la popote. Pour elles c’est difficile, mais elles s’en sortent! Je n’en ai vu aucune venir se plaindre, elles sont très, très fortes», soutient le président du centre culturel islamique.

Est-ce que, selon lui, il sera possible un jour de tourner la page face à un crime aussi horrible?

«C’est ça la vie, ça nous a frappés. On vit comme ça au jour le jour et tranquillement la douleur s’atténue et peut-être qu’un jour, éventuellement, certains vont pouvoir tourner la page», répond M. Benabdallah.

«Les émotions reviennent toujours, mais elles sont moins vives qu’avant», ajoute-t-il.


Il raconte que beaucoup de fidèles ont encore les nerfs à vifs lorsqu’ils entrent dans le lieu de culte. Certains sursautent dès le moindre bruit, comme une porte qui ouvre.

Les rénovations du Centre culturel qui viennent tout juste de s’achever font partie du processus qui permettra un jour, peut-être, de cicatriser la plaie. Les rénovations du bâtiment ont été pensées en fonction de la sécurité des lieux et plusieurs systèmes de sécurité sophistiqués ont été installés.

Une étape de plus vers le «métissage»
Malgré l’horreur du drame, M. Benabdallah soutient que la «vie suit son cours» et que la communauté est bien vivante à Sainte-Foy, comme ailleurs dans la ville.

Le président et co-fondateur de la Grande mosquée de Québec, Boufeldja Benabdallah.

Le président et co-fondateur de la Grande mosquée de Québec, Boufeldja Benabdallah.

Lorsqu’on discute avec lui de l’enracinement de la communauté musulmane dans la ville, d’une manière qui peut surprendre, il n’hésite pas à vanter les qualités de la population de la Ville de Québec.

«Si vous vous rappelez de la vigie qui a eu lieu ici le lendemain de l’attaque, quand même, il y a 15 000 personnes qui sont venues de manière spontanée, des gens de la Ville de Québec plus des gens de l’extérieur, c’était un témoignage extraordinaire», confie M. Benabdallah.

«Une des raisons pourquoi je me suis établi ici, c’est que j’ai toujours admiré votre résilience, vous ne vous fâchez pas facilement, vous n’interrompez pas les gens quand ils parlent vous les laissez allez au bout de leur idée. Aussi, vous êtes à l’écoute et vous êtes curieux. Je pense que les gens ne le savent pas, mais ce sont toutes des qualités hautement importantes», souligne-t-il.

Malgré tout, la cohabitation n’a pas toujours été facile et plusieurs accros ont eu lieu en cours de route. Par exemple, le dossier du cimetière aura été un véritable «combat», qui s’est finalement terminé de manière positive «après 22 ans de recherche», déplore M. Bendabdallah.

Avec l’aide de l’ancien maire de la Ville, Régis Labeaume, le cimetière musulman a été officiellement ouvert en juin 2020. Le terrain est situé sur la rue Frank-Carrel, vis-à-vis le cimetière Belmont.

Selon le co-fondateur de la mosquée, la réalisation du cimetière est une «étape» de plus vers un «métissage» harmonieux entre les Québécois de différentes confessions. Pour sa part, il confie que dans sa famille, le métissage est déjà bien effectué.

«Moi mes enfants, ils me disent : papa, je ne suis pas Algérien, je suis Québécois, je suis Canadien!», dit-il, le sourire aux lèvres. Il croit même que ceux-ci supporteraient le Canada, et non pas l’Algérie, si les deux pays s’affrontaient au soccer.
Boufeldja Benabdallah nous dévoile des portraits en l'honneur des victimes. Ceux-ci seront ensuite remis aux familles respectives.
Boufeldja Benabdallah nous dévoile des portraits en l'honneur des victimes. Ceux-ci seront ensuite remis aux familles respectives.

Place aux commémorations
Signe que les commémorations sont bien amorcées, des portraits des six victimes ont été peints par un artiste local et ils seront bientôt remis aux familles respectives.

La Grande mosquée de Québec, comme tous les lieux de culte de la province, est présentement fermée. Ainsi, les commémorations de la tragédie, qui auront lieu tout au long de la semaine, vont se faire en formule virtuelle uniquement.

Plusieurs conférences, webinaires et autres activités virtuelles seront organisés. La programmation complète sera dévoilée prochainement.

«Quelques personnes de Polytechnique et du collège Dawson vont venir nous rejoindre en visioconférence pour qu’on puisse discuter du problème des armes et de leur contrôle», révèle M. Benabdallah.

«Les commémorations vont culminer avec un rassemblement ici à la mosquée, samedi, le maire va être présent et les journalistes aussi. Malheureusement à cause des mesures sanitaires le public ne sera pas admis», conclut le président du centre culturel islamique de Québec.

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