Israël se jette dans la fosse

12:23 - October 10, 2023
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WASHINGTON(IQNA)-« A l’instant, c’est une opération menée par le Hamas et soutenu par la Jihad Islamique. Israël a raison de craindre que le Hezbollah s’implique. Ils ne veulent pas mener une guerre sur deux fronts », a déclaré Un analyse américano-canadien.

John Andrew Morrow professeur, chercheur et auteur canadien-américainLe samedi 15 octobre, les brigades d'Al-Qassam, la branche militaire du mouvement de résistance islamique (Hamas), ont lancé une opération militaire sans précédent contre Israël, comprenant des tirs de milliers de missiles, des infiltrations et des attaques contre les colonies israéliennes et les bases militaires aux alentours de la bande de Gaza.

Cette opération, qui a pris de court les autorités militaires et politiques du régime sioniste, a eu un large écho au niveau régional et international.

Nous avons interviewé le professeur, chercheur et auteur canadien-américain, John Andrew Morrow pour savoir plus sur les origines et objectifs de la récente opération menée par la résistance palestinienne basée dans la bande de Gaza.
 
IQNA : M. Morrow, quelle est votre opinion sur les diverses dimensions de l'échec informatique et militaire du régime sioniste lors de la récente opération de surprise de la résistance palestinienne ?
 
Du point de vue israélien et occidental, c’est une catastrophe embarrassante et humiliante. C’est un échec informatique et militaire incontestable. Les Forces de défense israéliennes étaient en congé ? La Mossad était en vacances ? Comment est-ce possible d’avoir été aveuglé de telle façon ? L’illusion de sécurité que les Israéliens avaient s’est évaporé. Les barrières de séparation ça sert à quoi ? L’occupation ça sert à quoi ? Le Dôme de fer ça sert à quoi ? La dixième armée la plus puissante au monde ça sert à quoi, quand on peut se faire attaquer et massacrer par des jouets d’enfants ? Les avances technologiques, qui sont très économiques, ont transformé la réalité sur le champ de bataille. Le petit David ne lance plus de pierres à Goliath. Il attaque avec des drones. Il se défend plus. Il prend l’offensive.
 
Quelles sont les dimensions sécuritaires de cette opération pour les parties palestinienne et israélienne ?
 
Les Israéliens ont payé un prix terrible. Je ne défendrai jamais des crimes de guerre: ni des Israéliens, ni des Palestiniens. On n’agresse pas des femmes. On ne vise pas des civiles. On n’assassine pas des non-combattants. On ne tue pas des enfants. Les lois de guerre sont claires, quels soit laïques ou islamiques. Mais, quand on se hait comme on se hait dans la « Terre Sacrée », les gens oublient tout ce qui est sacré.

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Les deux parties prétendent se battre pour Dieu sans respecter ses Commandements. C’est honteux que la situation ait dégénéré à ce prix mais on récolte ce qu’on sème. A ce moment, on calcule plus de mille israéliens morts avec des centaines de palestiniens. Le dommage que les combattants palestiniens peuvent causer est limité. La riposte et les représailles israéliennes peuvent être sévères. On peut s’attendre à des milliers de morts. Israël est de plus en plus isolé. Elle ne peut plus compter sur une Amérique sous leadership sénile, impotent, stérile, et gériatrique. Bibi refuse de négocier. Hamas en est de même. Sans rapport, et sans accord, c’est un combat à la mort. 
 
Cette opération peut-elle déclencher un conflit généralisé dans la région contre le régime sioniste ?
 
La situation est complexe. Les joueurs sont multiples. Le risque existe. L’escalade du conflit inquiète. Les conséquences peuvent être cataclysmiques. Il n’y a pas longtemps que les représailles israéliennes contre la résistance palestinienne étaient sans conséquences. Quelques dénonces. Quelques reproches. Mais rien de grave. En permettant l’Iran de croitre, de développer son économie, d’augmenter ses forces militaires, de financer, d’entrainer, et d’équiper ses mandataires en Palestine, au Liban, en Syrie, et au Yémen, Israël creuse son tombeau. En permettant l’Iran d’étendre son influence dans la région, d’établir des liens avec des superpuissances comme la Russie et la Chine, Israël se jette dans la fosse. Le monde arabe est mou. L’Iran c’est un mur d’acier.

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L’Iran est incontournable. Quand ça vient à l’Iran, Israël n’a que deux choix : cogner sur sa porte, offrir son amitié, et chercher à être un bon et juste voisin, ou se fracasser le crane contre elle. Militairement, les combattants du Hamas ne sont que des moustiques. Néanmoins, nous avons vu à quel point ils peuvent tourmenter leurs ennemis. C’est la guerre des poux de Che Guevara ! Un conflit militaire entre Israël et l’Iran ne peut être que nucléaire. Israël ne peut pas survivre à une guerre contre l’Iran et l’Iran ne peut pas survivre à un bombardement avec quatre-vingts à quatre cents bombes nucléaires. Aussi puissant qu’ils puissent être, Israël et l’Iran ne sont que des puissances régionales. Comment réagiront les Américains, les Européens, les Russes, et les Chinois ? Une guerre Israélo-Iranienne pourrait enchainer une guerre mondiale. Toutes ces super puissances en sont conscientes. Une troisième guerre mondiale c’est le suicide planétaire. Comme des gamins d’écoles qui mesurent leurs membres, les hommes qui contrôlent notre avenir se consacrent à jouer à la poule mouillée pour voir qui est le plus fort et qui est le froussard. Les têtes froides doivent prévaloir. La solution doit être diplomatique. 
 
Comment voyez-vous le niveau de coordination et d'unité entre les groupes de résistance dans ce conflit ?
 
D’un point de vue militaire, stratégique, et tactique, le niveau de coordination dans ce conflit est impressionnant. Ça montre énormément de culot et de créativité. Même s’ils ne sont que de maringouins, les combattants palestiniens confrontent le Lion de Sion de tout bord et de tout côté. Même avec des moyens limités, la sophistication des opérations pointe à l’expertise des Gardiens de la Révolution Islamique. Si c’est bel et bien le cas, l’Iran n’est plus simplement une source de financement pour la résistance palestinienne mais un participant direct dans le conflit. Même les Américains ont peur de le dire. L’Iran a déclaré la guerre contre Israël. Ce n’est plus une question de rhétorique. Si c’étaient les Russes qui soutenaient des guérillas autour du monde durant la Guerre Froide, c’est l’Iran, maintenant, qui a pris leur place dans le monde musulman. Israël a peur. L’Europe a peur. Les États-Unis ont peur. Ils craignent les actions que les agents iraniens peuvent commettre envers les cibles juives en Occident. L’Iran, il semble, a une longue main. 
 
Quelle est votre opinion sur la possibilité de la présence d'autres groupes de résistance pour participer à cette opération ?
 
A l’instant, c’est une opération menée par le Hamas et soutenu par la Jihad Islamique. Israël a raison de craindre que le Hezbollah s’implique. Ils ne veulent pas mener une guerre sur deux fronts. Aussi populaire qu’il soit au Liban, le Hezbollah doit considérer les conséquences d’un nouveau conflit militaire avec Israël. Armée jusqu’aux dents, grâce à l’Iran, le Hezbollah peut infliger des dégâts considérables. Mais, ils savent très bien que s’ils giflent les Israéliens avec des tapettes à mouches, ceux-ci vont les assommer avec des marteaux. Pour un Liban qui s’effondre économiquement, la catastrophe qui serait causée n’augmenterai pas la popularité du Hezbollah. Il s’avère que Israël est un petit pays, plutôt un village gaulois entouré de camps retranchés de romains. Sa situation est précaire et son avenir questionnable. Vont-ils lever le camp comme l’ont fait les partisans du Shah d’Iran, de Fulgencio Batista à Cuba, et d’Anastasio Somoza au Nicaragua ? Comme une femme battue, le jour arrive quand elle décide qu’elle en a assez et elle prend la porte. Le jour viendra-t-il que les israéliens vont jeter l’éponge et que le rêve ou cauchemar de « l’Etat juif » se dissipe comme de la brume ? En ce qui me concerne, les Israéliens et les Palestiniens -- les juifs, les chrétiens, et les musulmans -- méritent une paix juste et équitable. L’encre sur une entente est plus sacré que du sang versé. Ce qui est certain, c’est que quand ils avaient la main forte, les Israéliens n’ont jamais été sincères en matière de paix et de réconciliation. La résistance a compris que l’on ne peut pas négocier d’un point de faiblesse. La force respecte la force. Ceux qui refusaient de négocier vont être forcé à plier. Les jours des faux machos vont s’achever. Il faut se montrer flexible dans la victoire, ne se soit que par miséricorde. 
 
Que pensez-vous de l'avenir politique de Netanyahu ?
 
Netanyahu avait la tête dans les nuages ou la tête dans le sable. On peut le comparer à George Bush. Au lieu de prévenir les attaques du 11 septembre 2001, ses services d’intelligences ont été surpris. Quand il a été informé que la patrie était sous attaque, au lieu de réagir et prendre charge de la situation comme un véritable leader, savant et compétant, le président américain a paru complètement confus. Il a continué à lire une histoire au sujet d’une chèvre à une classe d’enfants. Il est resté là pendant sept minutes d’inaction. Les qualités d’un homo politicus se manifestent quand on le jette dans le feu d’une crise. Il doit agir calmement, stratégiquement, et méthodologiquement. Comparé à Poutine, Assad, Xi Jinping, et Khamenei, Netanyahu ressemble de plus en plus à une poule mouillée. Le tigre sioniste a exposé son ventre comme un chaton. Il a baisé sa garde. Il s’est fait surpris. Maintenant, ils graffignent comme un chat. Le problème avec les feins c’est qu’ils sont solitaires. Les lions, en revanche, combattent en groupe. 
 
Pensez-vous que ces attaques auront un impact sur le processus de normalisation des relations entre les pays arabes et Israël ?
 
Les positions sont prises mais, dans la politique tout peut changer selon les circonstances. Certains pays arabes soutiennent l’état d’Israël ouvertement. D’autres de façon plus opaque. D’autres se rallient avec le peuple palestinien. La situation est plus volatile que jamais. La « paix » des années récentes n’était que la période de Hudaybiyyah pour la résistance palestinienne. Comme les romains disaient, si vis pacem, para bellum, « si tu veux la paix, prépare la guerre. » Il se peut que cette crise, ce conflit, et cette guerre, vont augmenter la pression politique vis-à-vis une solution permanente au soi-disant « problème palestinien. » S’agit-il de la solution à deux états ? Un état sioniste et un état islamiste ? S’agit-il d’un seul état laïque et démocratique ? Nul ne le sait que Dieu. Ce qui est certain c’est que le status quo ne fonctionne point. On ne peut pas s’attendre que les Palestiniens et les Israéliens restent dans les limbes perpétuellement. Il faut se marier, se réconcilier, ou se divorcer. Une relation toxique qui dure soixante-quinze ans ce n’est pas soutenable. 
 
Certains estiment que les tensions internes en Israël ont joué un rôle dans le succès de cette opération jusqu'à présent. Dans quelle mesure cette opinion est-elle correcte ?
 
L’Empire américain est en plein déclin. Son influence ne cesse de diminuer. Sa petit sœur, l’état d’Israël, manifeste de plus en plus sa faiblesse. Sans son grand frère, elle doit déguerpir. Personne ne pourra la protéger dans la cour d’école. Elle va retourner pleurnicher en Europe. L’Allemagne ou la Grande Bretagne, dans leur bonté, ne pourraient-elles pas lui donner une parcelle de terre. L’Amérique, dans sa générosité, ne pourrait pas lui donne une réservation sur l’ile de Manhattan, par exemple, dans un quartier ou ses confrères sont majoritaires ? Que ça soit en Israël, ou que ça soit aux États-Unis, les divisions internes sont coupables. Si on cède un centimètre, l’ennemi prend un kilomètre. Le Hamas, le Jihad Islamique, le Hezbollah, et l’Iran exploitent la division et le manque d’unité à Tel Aviv et à Washington. Il semble qu’ils ont carrément été aveuglés. En même temps, il ne faut pas exclure la possibilité qu’ils ont été aveuglés volontairement. C’est-à-dire, comme Israël affirme, l’attaque d’octobre 2023 « c’est notre onze de septembre. » C’est le prétexte dont ils avaient besoin pour anéantir Hamas, comme mouvement armée, et comme gouvernement. « La paix n’est point possible, » ils peuvent affirmer. « Nous ne pouvons point coexister. » Ça peut servir d’excuse pour saisir tous les territoires palestiniens sous le joug d’un seul état israélien. 
 
Certains experts estiment que cette opération met fin d'une certaine manière aux plans présentés jusqu'à présent par les pays occidentaux pour résoudre la question palestinienne et maintenant nous voyons leur échec en pratique. Quelle est votre opinion à ce sujet et pensez-vous qu'il existe un plan ou une feuille de route pour résoudre la question palestinienne ?
 
« Ce potage est insipide ! » Nul ne veut en manger. Ce sont des restes pourris que personne ne veut consommer. Les recettes sont mauvaises, un point et c’est tout. Les chefs sont ineptes. En autres mots, les plans présentés ont toujours été destiné à l’échec. Leurs objectifs étaient d’apaiser, de donner de faux espoirs, et de gagner du temps pour permettre l’état sioniste de consolider son pouvoir et de saisir de plus en plus de terre. Ce qu’il nous faut ce sont de nouvelles idées, de nouveaux plans, et de nouveaux médiateurs. A bas les Américains et les européens ! Trois quarts de siècle et qu’est-ce qu’ils ont accomplis ? Rien du tout. Pas question que les Israéliens et les Iraniens se parlent. Que les Russes ou les Chinois agissent l’interlocuteurs. Un plan de paix ça se propose mais aussi ça s’impose. C’est assez, les gamins ! Chacun dans son coin ! Si les enfants d’école ne peuvent pas résoudre leurs problèmes, nous devons conter sur l’instituteur ou le directeur. En ce qui concerne le conflit Israélo-Palestinien, c’est tabula rasa. La paix sans justice ça ne sert à rien. La feuille de route doit être juste. C’est un début. 

Par Parvaneh Salehi

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