Des mythes de la Torah aux promesses politiques : De quel Abraham suivons-nous les pas ?

0:29 - October 19, 2025
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IQNA-La question se pose aujourd’hui avec insistance : dans le contexte des « Accords d’Abraham » que les États-Unis ont promus et présentés comme un modèle de paix au Moyen-Orient, sur quel Abraham ces accords reposent-ils ? S’agit-il de l’Abraham de la Torah ou de l’Abraham du Coran ?

Dans un article publié par Al-Quds al-Arab, Loay Abdel-Ilah, analyste irakien, écrit : A la suite des récentes déclarations de Benyamin Netanyahou, Premier ministre du régime israélien, évoquant le rêve d’un « Grand Israël », il devient nécessaire de préciser si ces accords — supposés encore sur la table des négociations entre certains pays arabes et Israël — s’inspirent de l’Abraham biblique ou de l’Abraham coranique.

L’Abraham de la Torah accompagne son père Térah lorsqu’ils quittent Our pour s’installer à Harran, au sud de l’actuelle Turquie, sans qu’aucune raison claire ne soit donnée à ce déplacement. Après la mort de son père, Dieu lui apparaît en songe et lui ordonne de se rendre vers la terre de Canaan, décrite comme un pays où coulent le lait et le miel. Là, les Cananéens l’accueillent avec générosité, lui offrent la sécurité, la terre et de bons voisins.

Mais malgré cette hospitalité généreuse, Abraham, selon la Torah, nourrit le rêve de s’approprier la terre de ses hôtes. Comment autrement interpréter la promesse inconditionnelle de son Dieu de donner toute la terre de Canaan à ses descendants ? Trop âgé pour réaliser lui-même cette conquête, Abraham laisse à sa descendance le soin d’accomplir ce rêve de possession.

L’Abraham de la Torah n’appelle pas les habitants de cette terre à croire en son Dieu, ni à suivre son culte. Il ne prêche sa foi qu’auprès des membres de sa famille. Il existe donc, dans ce récit, une forme de coexistence et de tolérance entre les peuples et leurs divinités.

از افسانه‌های تورات تا وعده‌های سیاسی: از کدام ابراهیم پیروی می‌کنیم؟

Cependant, la peur de voir son fils Isaac épouser une femme cananéenne trahit une profonde hostilité envers ce peuple, malgré les apparences d’amitié. Cette méfiance s’accroît à la mort de son épouse Sara : Abraham se plaint aux anciens cananéens d’être un étranger parmi eux et leur demande un terrain pour s’y faire enterrer. Le livre de la Genèse rapporte ses paroles : « Je suis un étranger et un résident parmi vous. Donnez-moi un lieu de sépulture pour que j’y enterre mon mort. » Les Cananéens lui répondent avec une grande bienveillance, lui offrant leurs meilleures tombes. Mais Abraham insiste pour acheter une parcelle bien précise, qu’il paie deux cents sicles d’argent, concluant ainsi un contrat en bonne et due forme.

Ce récit biblique devint plus tard la base symbolique du peuplement juif massif dans la région d’Hébron (Al-Khalil) et de la confiscation de vastes terres palestiniennes. Cinq colonies y furent érigées, et la Mosquée d’Abraham fut transformée en un lieu de culte partagé entre musulmans et juifs.

En revanche, l’Abraham du Coran est un prophète universel. Il vécut à l’époque de Nemrod, roi de Babylone, et appela son peuple à l’unicité divine. Il s’opposa à son propre père, gardien du temple et fabricant d’idoles, et brisa toutes les statues sauf la plus grande, sur laquelle il suspendit la hache pour prouver la vanité de leur culte.

L’Abraham coranique est envoyé à toute l’humanité, non à un peuple particulier. Son message repose sur la foi en un Dieu unique, et la terre que Dieu lui promet n’est pas réservée à une lignée de sang, mais à tous les croyants — juifs, chrétiens et musulmans compris.

Dès lors, la question devient cruciale : dans les « Accords d’Abraham » parrainés par Washington, sur quel Abraham se fonde-t-on ? L’Abraham de la Torah, dont Dieu promet à la descendance la terre s’étendant du Nil à l’Euphrate ? Ou l’Abraham du Coran, qui renonce à toute appropriation exclusive et considère la terre promise comme un héritage spirituel pour l’ensemble des croyants ?

از افسانه‌های تورات تا وعده‌های سیاسی: از کدام ابراهیم پیروی می‌کنیم؟

Le génocide perpétré aujourd’hui par Israël contre les Palestiniens de Gaza, la poursuite effrénée de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ainsi que l’expulsion de centaines de milliers de Palestiniens depuis la création de cet État, traduisent une même logique : réaliser la promesse biblique faite à Abraham, non en tant que foi, mais en tant que projet politique et territorial. Cette interprétation est soutenue sans réserve par les États-Unis, qui défendent l’achèvement de la promesse de l’Abraham de la Torah, non celle de l’Abraham du Coran.

Ainsi, les Accords d’Abraham, soutenus par Donald Trump, apparaissent comme une première étape vers la concrétisation de cette promesse : la normalisation des relations avec Israël ouvre la voie à une domination graduelle sur la région, en préparation du rêve sioniste d’un « Grand Israël ».

Si l’Abraham de la Torah rencontrait aujourd’hui l’Abraham du Coran, nul doute qu’un profond désaccord éclaterait entre eux — un conflit de visions spirituelles et morales qu’aucun compromis ne pourrait résoudre.

Les destructions continues dans la bande de Gaza, la ruine des infrastructures, les annonces répétées d’une nouvelle occupation et la volonté d’anéantir toute perspective d’un État palestinien indépendant menacent directement l’avenir de ce peuple.

Les condamnations arabes, bien que nombreuses, restent stériles. Israël compte sur l’oubli des peuples arabes et sur la complaisance du monde, s’appuyant sur l’idée que la promesse divine de la Torah — « la terre du Nil à l’Euphrate appartient aux enfants d’Abraham » — finira par être acceptée comme une fatalité historique.

C’est pourquoi nous voyons aujourd’hui des groupes fondamentalistes juifs à travers le monde œuvrer à retrouver ceux qu’ils considèrent comme descendants de Moïse, parfois issus de lignées qui avaient abandonné le judaïsme sous la contrainte. Ces groupes espèrent les ramener à la foi de leurs ancêtres pour renforcer la population juive, indispensable à l’occupation de cette « grande terre » après les guerres prévues contre l’Égypte, l’Iran et la Turquie.

On estime que le projet nécessiterait près de 80 millions d’habitants ; atteindre ne serait-ce que la moitié de ce nombre permettrait, selon eux, de réaliser la promesse divine faite à Abraham dans la Torah. Les chrétiens évangéliques américains soutiennent cette vision, croyant que le retour des Juifs en Terre sainte précédera l’apparition du Messie.

Les dirigeants arabes, avant de signer ces accords, auraient dû se poser cette question fondamentale : quel Abraham en est le garant ? Car le Dieu de la Torah, dans sa lecture politique, semble déjà en marche vers l’accomplissement de sa promesse ; Israël n’attend plus que la reconnaissance formelle de ses voisins pour rassembler toute la région sous l’égide de « l’Abraham biblique ».

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