Les manuscrits cachés dans les trésors historiques de la Tunisie

14:58 - October 26, 2025
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IQNA-Les bibliothèques tunisiennes, issues d’une longue tradition intellectuelle et religieuse, conservent un patrimoine manuscrit d’une richesse exceptionnelle.

Des institutions prestigieuses telles que les universités d’al-Zitouna et de Kairouan, ainsi que les bibliothèques privées de Djerba et d’autres régions, recèlent des milliers de manuscrits rares couvrant les domaines du droit, de la poésie, de l’histoire et de la théologie.

Cependant, malgré cette abondance, la recherche scientifique sur ces trésors reste limitée, en raison du manque de moyens, de la dispersion des collections et du désintérêt progressif des institutions éditoriales.

Des trésors préservés mais peu exploités

La Tunisie doit une grande partie de la préservation de son héritage manuscrit aux efforts pionniers de chercheurs comme Mohamed Mahfoudh et Hassan Hosni Abdelwahab, dont les travaux ont servi de base à la création de la Bibliothèque nationale en 1885. Grâce à cette institution et à l’ouverture du Laboratoire national de restauration des manuscrits à Raqqada, plusieurs projets de conservation et de catalogage ont été menés à bien.

Malgré ces initiatives, le rythme des recherches s’est ralenti depuis les années 1980. Dans les décennies précédentes, notamment entre 1960 et 1970, la Tunisie avait connu un véritable essor scientifique : des œuvres majeures de fiqh, d’histoire et de poésie avaient été étudiées et publiées, parmi lesquelles I‘lam al-A‘yan d’Ahmad Barnaz, le Diwan al-Warghi ou encore Itḥaf Ahl al-Zaman d’Ibn Abi al-Dhiaf. Ces études s’inscrivaient dans des programmes étatiques structurés, tels que la Collection des manuscrits précieux éditée par la maison d’édition tunisienne officielle.

Cependant, la fin des grands projets culturels et la fermeture de plusieurs maisons d’édition ont progressivement freiné cet élan. Seules quelques institutions — comme Bayt al-Hikma, la Fondation des manuscrits de l’Imam Malik et la Bibliothèque nationale — poursuivent aujourd’hui ce travail. L’un des projets les plus notables demeure la vaste recherche collective sur Kitab al-‘Ibar d’Ibn Khaldoun, dirigée par Ibrahim Shabbouh, qui a marqué une étape majeure dans la valorisation du patrimoine intellectuel tunisien.

Entre recherches dispersées et initiatives individuelles

La dispersion des manuscrits à travers différentes institutions demeure un obstacle majeur. L’université al-Zitouna, spécialisée dans les textes religieux, conserve de nombreuses copies non encore cataloguées. Selon le chercheur Abdelwahab Dakhli, cette fragmentation empêche une exploitation scientifique cohérente et rend difficile la mise à disposition des chercheurs.

Certaines découvertes récentes montrent pourtant le potentiel de ce champ d’étude. La mise au jour d’un manuscrit inédit intitulé Ma‘alim al-Iman fi Ma‘rifat Ahl al-Qayrawan du savant al-Dabbagh al-Qayrawani a, par exemple, conduit à revoir plusieurs conclusions historiques sur la ville de Kairouan.

En parallèle, de jeunes chercheurs entreprennent, souvent à leurs frais, des études individuelles. L’exemple le plus marquant est celui d’Ahmad al-Touili, qui a édité le manuscrit al-‘Aqd al-Munaddad fi Akhbar al-Mushir al-Basha Ahmad, une chronique du XIXᵉ siècle sur les débuts de la modernisation tunisienne. Malgré leur rigueur, ces initiatives restent peu reconnues et ne figurent pas dans les concours ou prix officiels, tels que les salons du livre.

Le manque d’incitations et de financement freine ainsi la recherche privée, tandis que les éditeurs, peu enclins à investir dans ce domaine, contribuent à la stagnation du secteur. Pourtant, les manuscrits tunisiens constituent un témoignage unique de la vitalité intellectuelle du Maghreb arabe. Leur redécouverte, à travers une collaboration accrue entre institutions publiques et chercheurs indépendants, pourrait raviver un pan essentiel de la mémoire historique et culturelle du pays.

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