La mosquée de Shadian totalement sinisée

13:42 - May 26, 2024
Code de l'info: 3488662
La Grande Mosquée de Shadian, dans le sud du pays, a été totalement «sinisée». Le résultat d’une politique lancée en 2018 par la Chine, visant à promouvoir «une architecture islamique pleine de caractéristiques chinoises».

Pékin poursuit la «sinisation» à marche forcée de l’islam en Chine. En avril dernier, les travaux de la Grande Mosquée de Shadian, dans le sud du pays, sont arrivés à leur terme. Quand les dernières bâches ont été retirées, l’immense bâtiment de 21.000 mètres carrés, pouvant accueillir 10.000 fidèles, n’avait plus grand-chose à voir avec une mosquée. Le dôme vert et les quatre imposants minarets qui la caractérisaient ont été entièrement repensés... dans le style d’une pagode, rapporte The Guardian dans une longue enquête sur le sujet.

De l’édifice originel, ne restent que les grandes arches de l’entrée, surmontée d’une plaque dorée couverte d’inscriptions en arabe. Et encore, celles-ci sont désormais accompagnées d’un message en chinois : «Le palais impérial de la vérité suprême», un terme taoïste, mais également utilisé dans l’islam chinois, souligne le quotidien britannique. L’autre mosquée emblématique de la province du Yunnan, à 160 km de là, a subi le même sort.

Grande opération de «sinisation»
En réalité, trois quarts des 2300 mosquées chinoises à l’architecture islamique (sur 4450 mosquées) ont été «rénovées» ou détruites depuis 2018, selon un décompte du Financial Times daté de novembre 2023. Celles qui restent se trouvent essentiellement dans de petits villages. Il y a cinq ans, le gouvernement chinois a en effet lancé une grande campagne de «sinisation de l’islam». L’un des objectifs majeurs de ce projet était de résister aux «styles architecturaux étrangers» et de promouvoir «une architecture islamique pleine de caractéristiques chinoises». Avec une consigne claire, selon une note du parti communiste relayé par The Guardian : «Démolir plus et construire moins».
 
La province de Yunnan, l’une des plus éloignées géographiquement de Pékin, a été la dernière à subir les conséquences de cette politique. Les musulmans qui y résident sont principalement des Hui, une minorité à peu près aussi nombreuse que les Ouïghours, dont ils n’ont pas subi le même sort.
Mais ce groupe ethnique conserve le souvenir vivace du mois d’août 1975, où l’armée populaire de libération a massacré près de 2000 d’entre eux, dont 300 enfants, alors qu’ils tentaient de forcer l'ouverture des mosquées que le parti avait fermées. La Grande Mosquée de Shadian avait alors été détruite, puis reconstruite avec le soutien du gouvernement chinois, sur le modèle de la Mosquée du Prophète de Médine, deuxième mosquée la plus sainte de l’islam.

حذف نمادهای معماری اسلامی بزرگترین مسجد جنوب چین

De plus en plus de restrictions
Globalement, la communauté Hui dispose de plus de latitude que les Ouïghours pour pratiquer sa foi, indique The Guardian. Mais certains affrontements d’ampleur entre policiers et membres de l’ethnie ont éclaté ces dernières années, au sujet des rénovations de mosquées. À la réouverture de l’édifice de Shadian, pour l’Aïd, les fidèles ont pu constater l’installation de caméras de surveillance. Plusieurs sources du quotidien britannique indiquent également que des haut-parleurs sans fil ont été distribués dans les foyers Hui pour diffuser l’appel à la prière plus discrètement que du haut d’un minaret.
En février dernier, Pékin a également renforcé ses réglementations sur l’expression religieuse, toujours dans cette logique de «sinisation». Certaines autorités locales interdisent par exemple aux mineurs de fréquenter les mosquées ou de jeûner.

Le Figaro

Tags: chine ، islam ، mosquée ، sinisation
captcha