
À l’occasion de la commémoration de son martyre, l’écrivaine marocaine Hayat Lallab revient, dans un entretien avec l’agence IQNA, sur les dimensions spirituelles, sociales et éducatives de cette figure exceptionnelle.
Loin d’être seulement une mère et une épouse exemplaire, Fatima (sa) s’impose comme un pilier de la mission prophétique, une éducatrice, une protectrice de la vérité et un repère pour les générations.
Une éminence spirituelle unique et un statut sacré dans les textes
Fatima Zahra (sa) est décrite comme une figure d’exception à laquelle Dieu a accordé des caractéristiques qu’Il n’avait accordées à aucune autre femme avant elle.
Selon Hayat Lallab, cette éminence découle d’un lien entre prophétie et wilaya, puisque Fatima (sa) n’est pas seulement la fille du Sceau des prophètes, mais aussi la mère des imams (as).
Dans de nombreuses traditions, son identité spirituelle est associée à une origine céleste : elle serait issue du « fruit de l’arbre du Tuba » et façonnée à partir de la lumière divine. Cette dimension sacrée explique sa désignation comme « la maîtresse des femmes de tous les mondes », titre présent aussi bien dans les sources sunnites que chiites.
La prière, l’adoration et la pureté intérieure constituent l’un des aspects majeurs de sa personnalité. Les récits décrivent son culte si intense que sa lumière emplissait le ciel, et Dieu ordonnait aux anges de contempler sa dévotion. Le Prophète (psl) lui-même la présentait comme une partie de son âme : « elle est la prunelle de mes yeux, la lumière de mon cœur ». Les versets du Coran, tels que l’« Ayat al-Tathîr » (Sourate Al-Ahzab, 33) ou les versets de la Mubahala (Sourate Âl-Imran, 61), sont invoqués pour souligner sa pureté et son inclusion dans le cercle des Ahl al-Bayt.
Lallab rapporte également l’exégèse reliant Fatima (sa) à la Sourate Al-Kawthar, comprise comme une annonce de la postérité bénie du Prophète (psl) passant exclusivement par elle. Ainsi, sa valeur spirituelle ne réside pas seulement dans ses actes mais aussi dans sa fonction cosmique, son lien avec la lumière divine et son rôle dans la continuité de la guidance.
Un rôle social, éducatif et communautaire déterminant
Contrairement à l’image réductrice qui la limite au cadre domestique, Fatima Zahra (sa) joua un rôle social actif et essentiel. Hayat Lallab insiste sur le fait qu’elle fut une actrice engagée de la société médinoise, malgré les conditions difficiles auxquelles les Ahl al-Bayt pouvaient être confrontés. Elle s’occupait de sa famille avec une dévotion exemplaire, soutenait le Prophète (psl) dans sa mission et veillait à l’éducation de ses enfants — trois figures majeures de l’islam : Hassan (as), Hussein (as) et Zaynab (sa).
Son action sociale la plus marquante fut la création du premier espace d’enseignement pour les femmes. En transformant sa propre maison en un centre d’éducation, elle donna aux femmes la possibilité d’accéder au savoir religieux, à la compréhension du message prophétique et à la formation spirituelle.
Lallab souligne que cette initiative préfigure les premières institutions féminines dans l’histoire islamique. Fatima (sa) encourageait également la solidarité sociale en aidant les pauvres, en soutenant les nécessiteux et en rappelant le devoir moral de prendre soin des vulnérables.
Sa position politique implicite apparaît dans sa défense de la vérité et son soutien indéfectible à l’imamat de l’imam Ali (as). Elle était une voix ferme pendant la période troublée suivant la disparition du Prophète (psl). Pour Lallab, son engagement social et communautaire reste un modèle intemporel : sa vie démontre que la responsabilité sociale des femmes ne se limite pas au foyer, mais inclut l’enseignement, l’action morale et la participation à la construction d’une société juste.
Un modèle éducatif et moral pour les générations et un enjeu pour l’enseignement contemporain
L’importance de prendre Fatima Zahra (sa) comme modèle est centrale dans le propos de Hayat Lallab. Selon elle, les femmes musulmanes — et plus largement l’ensemble de la communauté — ont aujourd’hui besoin de se reconnecter à la vie de la Dame des femmes du monde (sa), car la méconnaissance de sa biographie a ouvert la voie à des modèles culturels étrangers dépourvus de spiritualité.
Lallab estime que si les femmes prenaient Fatima (sa) pour exemple, la pudeur, la dignité, la force morale et la droiture remplaceraient les comportements dictés par l’imitation aveugle des normes occidentales. La femme deviendrait alors une éducatrice consciente, guidant ses enfants dans l’esprit de l’islam authentique.
Elle insiste sur la nécessité d’intégrer la vie de Fatima (sa) dans les programmes universitaires et éducatifs. Selon elle, ne pas enseigner le modèle des Ahl al-Bayt revient à abandonner la jeunesse aux influences qui cherchent à les détacher de leur identité religieuse. Enseigner la vie de Fatima (sa), c’est offrir un modèle de piété, de courage, de vérité et de résistance. Elle rappelle que Fatima (sa), en tant qu’épouse, incarne la loyauté, la coopération et le respect mutuel ; en tant que mère, elle a élevé deux figures qui deviendront les maîtres des jeunes du Paradis ; en tant qu’éducatrice, elle a façonné l’esprit de Zaynab (sa), symbole de fermeté et de vérité face à l’oppression.
Lallab souligne enfin que l’héritage de Fatima (sa) ne disparaîtra jamais : il demeure vivant dans le cœur des croyants jusqu’à l’avènement du Mahdi (aj). Sa vie sert d’ancrage moral dans un monde marqué par la confusion, l’imitation culturelle et la perte de repères. La redécouverte de son exemple constitue, selon elle, un impératif pour restaurer l’identité, la dignité et la cohésion spirituelle de la communauté musulmane.